jeudi 22 décembre 2011

« Sur la cupidité » - I

Lecture à partager : texte de l'essayiste Augustin Squella

Si l'avare est celui qui a et conserve, c'est-à-dire celui qui refuse de donner, le cupide est celui qui a et veut surtout avoir plus, c'est-à-dire celui qui ne peut résister à l'envie de remplir encore et encore son silo qui déborde déjà de richesses.

La cupidité est une contraction, tandis que la cupidité est un problème constant, non pas pour conserver ce qu'on possède, mais bien pour avoir de nouveau ce qu'on a déjà. Si l'avidité est triste, l'avidité est à peine anxieuse.

La personne avare ne veut pas soustraire, tandis que le tempérament avide ne cherche qu'à additionner. L'avare ferma le coffre, cache la clé et regarde les jours par la serrure pour surveiller que vérifier si tous ses biens sont là; à l'inverse, les avides ne pensent qu'à la façon de cultiver les voûtes de leur coffre-fort et cela les rendent nerveux de constater que leurs biens ne sont pas multipliés.

Si l'avare est un problème pour votre voisin, le cupide est un plus grand danger encore pour ses semblables. Le premier est seulement intéressé par ce qui lui appartient, mais le deuxième jette plutôt son attention sur ce qui appartient aux autres. Le premier a terriblement peur de voir diminuer ce qu'il a gagné, tandis que l'autre souffre d'angoisse de ne pas avoir gagné suffisamment. Le premier supporte mal l'idée qu'on le prive de quelque chose qu'il possède déjà, tandis que l'autre tolère encore plus mal l'idée qu'on puisse toujours avoir plus. La cupidité est donc vice passif, tandis que la cupidité exige une incessante imagination et activité.



"Quand tu bois de l'eau, rappelle-toi de la source"

Les yeux de Gabi

"Los ojos de Gabi", le témoignage que notre ami Alfredo Mires écrire à partir de la perspective de Gabi, une jeune fille de région rurale atteinte de paralysie cérébrale, a désormais deux éditions bilingues, une en espagnol et une en allemand. Il existe aussi une édition traduite en italien.
Les deux éditions ont eu une forte demande et que nous sommes heureux parce que cela permet à plus de gens de connaitre les conditions des enfants “handicapés” et de se ranger du côté des plus faibles.
Maintenant, les bonnes nouvelles: c'est que notre amie Maryse Tétreault, du Canada qui a fait la traduction française.
Nous espérons lancer cette version française au début de cette année; nous pensons aussi à publier une troisième édition en espagnol et en allemand.

Merci, Maryse! Cela fait plus de livres et de messages à lire, à partager, à réunir et applaudir!


La famille grandit

Les bibliothèques en milieu rural et les bénévoles du Programme communautaire sont toujours nécessaires. Nous sommes très peu ceux et celles qui assument des tâches administratives et d'organisation ici, à Cajamarca. De la même manière que pour notre travail de terrain, il manquera toujours des mains, de la volonté et des gens impliqués.

Grâce au travail du Programme communautaire, nous rencontrons constamment de nouveaux enfants avec des capacités projetables qui requièrent toute notre attention et soutien, et c'est là que nous sentons le plus la pression, le besoin de compter sur davantage de participants de cette minga* solidaire.

C'est pour cela que nous voulons saluer la volonté et l'enthousiasme avec lequel Elena Rodriguez Roncal, fille de notre ami Miguel Rodriguez de Cajabamba, professeure d'éducation primaire et représentante du Programme PELA a accepté de se joindre à notre projet.
Nous avions invité Elena à participer à un atelier de formation en novembre et par la suite elle a décidé de se joindre à notre équipe de coordinateurs du programme.
Nous sommes ravis d'avoir une nouvelle amie et partenaire pour échanger, partager et grandir ensemble. Bienvenue Elena!


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* Note de la traductrice: La minga est une forme de travail traditionnel et collectif réalisé par les membres de la communauté.

Agen-jour 2012

Dans la mesure où notre organisme est autonome financièrement, il  n'est pas toujours possible de publier tout ce qu'on voudrait.
Depuis un certain moment déjà, nous recevons plusieurs demandes pour un nouvel agenda pour l'année 2012, mais en raison de manque de fonds et de temps pour le préparer, nous n'avons pas été en mesure de répondre à cette demande. Toutefois, nous avons trouvé une alternative après avoir évalué la fonctionnalité d'un agenda.

Dans notre démarche, plusieurs pages sont restées vierges et bien que nous ayons  besoin d'un planificateur, il était aussi nécessaire d'avoir un carnet avec des pages blanches où écrire notre cheminement.
Ainsi est née l'idée d'un  « Agen-jour » pour accompagner l'année qui approche; celui-ci sera en circulation à partir du 15 décembre.

Nous avons dû nous rappeler ce que Facundo Cabral racontait de sa mère, Sara, qui « n'avait jamais utilisé d'agenda parce qu'elle faisant seulement ce qu'elle aimait et cela, son cœur s'en rappelait. Elle s'est consacrée à vivre et elle n'avait pas le temps de faire autre chose."

Mais d'autres leçons nous encouragent également: la créativité n'a pas de sommeil pendant que nous rêvons.
Et de cette façon, il est bon de constater qu'il est possible de continuer à publier si s'unissent les efforts dans la solidarité.


jeudi 1 décembre 2011

La dignité des peuples s'écrit aussi en lisant


Une lecture à partager : extrait de « La dignité des peuples s'écrit aussi en lisant », texte d'Alfredo Mires.

La promotion de la lecture définit, dans une large mesure, le côté de l'histoire dans laquelle nous nous trouvons. On ne peut pas être neutre, car la lecture, elle, ne l'est pas. Ignorer ce fait, c'est prendre position du côté de ceux qui essaient de cacher cette réalité pour éviter qu'elle ne puisse être transformée.

Promouvoir la lecture c'est adhérer aux réalités et aux attentes des populations. Plus encore, la motivation de lecture doit être un reflet de la capacité de décision, des tentatives d'appropriation et des recherches authentiques naissantes des communautés elles-mêmes, de celles qui acceptent la lecture comme un outil pour continuer à apprendre à partir de leur propre contexte.

Il ne faut pas non plus apprendre à lire pour lire, mais dans la poursuite de cet engrais qui accroît la compréhension de la culture elle-même, dans le tallage d'une fronde à partir de ses racines.


Parce que la lecture n'est pas l'évitement, il s'agit plutôt d'une immersion et un risque; elle est la libération et l'impulsion. La lecture signifie repousser la paresse et exercer le droit à un humour partagé; elle signifie la récompense méritée et l'accès à une vie qui ne soit pas synonyme de malheur.


Ainsi, si la lecture rime avec récolter, promouvoir la lecture rime avec semer. Semer le désir de trouver le livre et la liberté de le lire; semer le désir de le dévorer et l'urgence de le partager; semer la fureur de le découvrir et l'éblouissement à le comprendre. Lire, c'est aussi semer l'évidence que la lecture préalable du monde n'a pas été en vain.


Parce qu'il ne s'agit pas seulement de semer une lecture « livresque », mais une lecture totale, flamboyante et pleine. Ne lisons pas pour renoncer à notre monde, mais faisons-le pour le re-semer, le réécrire.



Lire dans la réalité


Lecture à partager: Extraits de "La lettre du chef indien Seattle"

Nous faisons partie de la Terre et elle aussi fait partie de nous.
Et, après tout, je me demande : à quoi sert la vie, si l'homme ne peut pas entendre le magnifique cri solitaire de l'oiseau de nuit, ni les discussions des grenouilles sur le bord des lacs en après-midi?
Je suis un indien et je ne comprends rien.
Nous, nous préférons le doux murmure du vent à cheval sur la surface des lacs, et l'odeur de ce même vent lavé par la pluie ou parfumé par la fragrance des arbres.
Parce que tout est lié.
Toutes choses sont reliées. Tout ce qui blesse la Terre blesse aussi les enfants de la Terre.
Tout ce qui arrivera à la Terre arrivera aussi aux enfants de la Terre.
Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes.
Cela, nous le savons : la terre n'appartient pas à l'Homme; l'Homme appartient à la terre.
L'Homme n'a pas tissé la trame de la vie; il n'est qu'une fibre de celle-ci. Ce que vous faites avec la trame, vous vous le faites à vous-mêmes.



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Note de la traductrice:
Seattle, grand chef indien des tribus Dumawish et Suquamish, est connu en particulier pour son discours de 1854 lors de négociations avec le gouvernement des États-Unis, dans lequel il exprimait son refus de vendre les territoires indiens.

Nous disons non


Lecture à partager : extraits de « Nous, nous disons non », texte d'Eduardo Galeano.

Nous disons non à l'éloge de l'argent et de la mort. Nous disons non à un système qui met un prix sur les choses et sur les gens, où ceux qui ont le plus sont ceux qui valent le plus; nous disons non à un monde qui investit en armes de guerre, deux millions de dollars chaque minute, tandis que chaque minute, trente enfants meurent de famine ou de maladie curable. La bombe à neutrons qui sauve les choses et qui tue des gens est un parfait symbole de notre époque. Pour le système meurtrier qui convertit en objectifs militaires les étoiles de la nuit, la planète tout entière n'est qu'une source de revenus qui doit produire jusqu'à la dernière goutte de son jus.

La pauvreté se multiplie pour multiplier la richesse, comme se multiplient aussi les armes qui veillent sur cette richesse et qui maintiennent tous les autres dans la pauvreté : nous disons non à un système qui ne donne ni à manger ni à aimer, qui condamnent plusieurs à la faim de nourriture et encore plus, à une famine d'étreintes.

Nous disons non au mensonge. La culture dominante, que les grands médias de communication élèvent à l'échelle universelle, nous emmène à confondre le monde avec un supermarché ou une piste de course, où le prochain n'est qu'un concurrent, mais jamais un frère.

D'après ce qu'elle dit et ce qu'elle tait, la culture dominante ment quand elle soutient que la pauvreté des pauvres n'explique pas la richesse des riches; elle ment quand elle dit que cette richesse n'est fille de personne, qu'elle provient de l'oreille d'une chèvre ou de la volonté de Dieu, qui a fait des pauvres des paresseux et des sots.

Le mépris trahit l'histoire et mutile le monde. Les puissants faiseurs d'opinions nous traitent comme si nous n'existions pas ou comme si nous étions des ombres stupides. L'héritage colonial oblige au soi-disant Tiers-monde, habité par des gens de troisième catégorie, à accepter comme la leur la mémoire des vainqueurs et à acheter les mensonges des autres pour l'utiliser comme si c'était la Vérité elle-même. Ils récompensent notre obéissance, punissent l'intelligence et découragent l'énergie créatrice. Nous sommes victimes d'opinions, mais nous ne pouvons pas être les experts. Nous avons droit qu'à l'écho et non à la voix.

Nous disons non : nous refusons d'accepter cette médiocrité en tant que destinée. Nous disons non à la peur. Non à la peur de dire, la peur de faire, la peur d'être. Le colonialisme visible interdit de dire, interdit de faire, interdit d'être. Le colonialisme invisible, plus efficace encore, nous convainc de ce qu'on ne peut pas dire, de ce qu'on ne peut pas faire, de ce qu'on ne peut pas être. Au mieux, nous pouvons aspirer à devenir prisonniers de bonne conduite, capables de payer ponctuellement les intérêts d'une énorme dette extérieure contractée pour financer le luxe que nous humilie et le bâton pour nous battre.

Et dans cet ordre des choses, nous disons non à la neutralité de la parole humaine. Nous disons non à ceux qui nous ont invités à nous laver les mains avant les crucifixions quotidiennes qui se produisent autour de nous.


Nous disons non au divorce de beauté et de la justice, parce que nous disons oui à son étreinte puissante et féconde.


Nous disons non à l'empire de l'avidité dévastatrice, nous disons oui à une autre Amérique, qui naîtra de la plus ancienne des traditions américaines : la tradition communautaire.