mercredi 20 octobre 2010

12 octobre

Le 12 octobre est célébré aux États-Unis comme étant le « Columbus Day » [Jour de Colomb], soulignant l'arrivée de Christophe Colomb dans le Nouveau Monde le 12 octobre 1492. Aux États-Unis, de nombreux militants exigent un réexamen de ce « holiday », une célébration officielle depuis 1971.
 
Comme on le sait, dans plusieurs pays d'Amérique latine, ce jour porte le nom de « Columbus Day ». En Argentine, le nom a été changé pour celui du « Jour de la diversité culturelle américaine ». En Uruguay, ce jour est plutôt appelé « Le jour des Amériques » et il est célébré le 12 avril. Au Venezuela, le nom a été changé en 2002 par Chávez pour celui de « Jour de la résistance indigène ». Au Chili, cette journée est officiellement appelée le « Jour de la découverte des deux mondes ».

 
Pour beaucoup, c'est l’occasion de célébrer l’« hispanité » ou de célébrer la fusion des races autochtones et européennes. Mais il s’agit tout de même d’une hypocrisie totale. Une date fatale pour l'histoire des Indiens sur une journée de célébration.

 
À partir du moment où Christophe Colomb a vu la terre le 12 octobre 1492, c’est tout le cours de l'histoire autochtone qui a changé. En arrivant dans la région que nous appelons maintenant Les Bahamas, avant Guanahani, Colomb fut reçu amicalement par les peuples autochtones lucayan, taino et arawak. Colomb et les membres de son équipage manipulèrent l’hospitalité reçue par les gens de l’endroit, pour ensuite les massacrer, les asservir et s'emparer de leurs terres au nom de la Couronne espagnole. Il écrivit dans son journal de voyage : « Ils feront de bons et qualifiés serviteurs, parce qu'ils répètent très rapidement ce qu’on leur dit. » 

 
Au cours de ses quatre voyages dans les Amériques, chacun d’eux se faisait plus funeste que le dernier pour les habitants du nouveau continent. En deux ans, les historiens estiment que la moitié du peuple taino fut massacré. Déjà en 1550, il n'y avait plus que quelques Tainos sur l'île La Española et au Mexique. Selon l'auteur Tzvetan Todorov (« La conquête de l'Amérique : le problème de l'autre »), une population autochtone estimée à 25 millions fut décimée, comptant approximativement un million d’habitants en 1605. Cette baisse de la population autochtone dans les Amériques fut par la suite le résultat de la traite négrière, suivi par le travail (cheap labor) des Chinois après l'abolition de l'esclavage.


 
Mais, ceci n'est pas l'histoire racontée dans les manuels scolaires. La brutalité des envahisseurs, l'histoire des Premières Nations et leurs traditions, ni aucun hommage aux cultures qui étaient ici bien avant l'arrivée de Colomb.

 
Bien qu’il ne faille pas attribuer la responsabilité à Colomb pour tous les maux liés à la Conquête, nous pouvons tout de même exiger que cette journée ne soit pas un jour de célébration. Il est nécessaire de « revisiter » l'idée même de cette journée, à la lumière de leurs conséquences.

Maryse Tétreault


Plus de vidéos

Le vidéo sur la trajectoire de la Red, créé par notre ami Pier Paolo Réseau Giarolo, a maintenant de nouvelles versions.
La version espagnole sans sous-titres se trouve à l’adresse suivante : http://www.vimeo.com/15828238
La version française avec sous-titres : http://www.vimeo.com/15831981
La version italienne sous-titrée : http://www.vimeo.com/15895474
Grâce à l’appui de nos partenaires, bientôt nous aurons – aussi – des traductions en allemand et en anglais.

lundi 18 octobre 2010

Espoir pour Le dompteur

Nous, les personnes qui conforment cette famille, sommes attentives à la grande sagesse de nos ancêtres et sommes conscientes de combien nous avons à apprendre de la vie dans nos communautés.
À la rescousse de cette sagesse pour laquelle il a consacré sa vie entière, ses efforts et son amour se trouve notre compatriote Alfredo Mires, de concert avec nos collègues du Réseau. Toutefois, la diffusion de ces connaissances se trouve souvent affectée par le manque de ressources; ressources qui nous permettraient de soutenir la publication de nos livres.
Cependant, la reconnaissance, l'identification et la solidarité avec notre travail de la part des personnes et des organisations permettent également la publication de certains de ceux-ci.
C'est le cas de l’Association Espoir TM de Belgique : grâce à leur soutien, un premier numéro de « Le dompteur de contes » [El domador de cuentos] se trouve sous presse; un livre qui nous fait aussi connaître quelques-unes des extraordinaires illustrations de l'artiste espagnol Daniel Montero Galán.
Ceci sera notre premier livre à être publié en couleurs. Dans la mesure où nous nous auto suffisons, nous n'avions jamais eu la possibilité auparavant d'aller au-delà du noir et blanc. Il s'agit d'une incitation à aller de l'avant dans la réévaluation de notre culture, et cela nous emplit d’une grande joie, car un autre de nos livres pourra prendre le chemin de nos bibliothèques. Et ce sera également une motivation pour nos lecteurs dans la campagne.
Nos sincères remerciements et affection à Jérôme, Clara, Emmanuelle, Cristina et à tous les amis de l’Association Espoir.

Retrouvailles


Chers amis membres des bibliothèques rurales,

Recevez nos salutations de Liverpool!
Je vous remercie énormément pour le temps passé avec Helen et Kate à Cajamarca. Elles ont réellement vécu une expérience inoubliable en voyant votre extraordinaire travail fait en étroite collaboration avec les bibliothèques en milieu rural.
Nous sommes restés debout jusqu'à la moitié de la nuit pour les écouter nous raconter tout sur le Pérou, sur votre histoire et vos efforts pour garder vivante la grande tradition culturelle et mode de vie de ses habitants.
Nous sommes fiers que, grâce à la visite de notre Sara, nous ayons humblement été en mesure d'avoir un petit rôle dans ce que vous faites.
En tant que famille, nous sommes conscients du travail des missionnaires dans des pays lointains. Ma sœur Jean et mon frère Jimmy ont passé de nombreuses années dans les missions. La photo que je vous envoie fut prise en 1992, quand presque toute notre famille s’était réunie pour célébrer le 50ème anniversaire de l'ordination de Jimmy: il a passé 35 années à Bornéo avant d'avoir été forcé de rentrer chez nous, après avoir perdu un pied. Jean, debout derrière Jimmy, a travaillé comme médecin en Éthiopie pendant près de 40 ans, en tant que Sœur de charité. Elle est morte il y a deux ans.
Chacun d'entre nous apprécie l'histoire des Bibliothèques rurales et  sommes très intéressés à continuer d’entendre parler du travail que vous faites.
Félicitations pour votre Assemblée et bonne chance dans tout.

Jack et Margaret Heery

Martien

Il y a de cela plusieurs années, l'anthropologue Lourdes Endara publia le livre « Le Martien du coin, l'image de l’Indien dans la presse équatorienne durant le soulèvement de 1990 » [El marciano de la esquina: imagen del indio en la prensa ecuatoriana durante el levantamiento de 1990]. Endara mentionne que « Pour toutes les sociétés, l’Autre” est toujours un Martien. La réaction face aux actions de ces “autres” suit le même principe décrit dans le cas de Martiens. Chaque fait nouveau à leur sujet est lu, ou plutôt connoté à travers les filtres des connaissances préalablement socialement et collectivement accumulées par les sociétés. »

Ainsi, pour certains, les comportements de notre compagnon semblent bizarres ; notre ami qui est vraiment un Martien, en raison de son nom : Martiano Amaya Pretel, habitant du village de Anricsha, dans la province de Contumazá et bibliothécaire en chef (coordinateur) de ce secteur.
Il a commencé comme bibliothécaire il y une vingtaine d'années. Plus tard, il a été élu coordonnateur et est maintenant membre du Programme communautaire qui accompagne des enfants avec des besoins spéciaux, en milieu rural.
Marciano marche, chargé de livres, visitant les communautés ; ce sont des heures et des heures de marche sans pause, sur des pentes escarpées, pour enfin arriver à destination et prendre soin des enfants et de leurs familles.
Récemment, il a été malade, presque incapable de marcher. Et il a pourtant continué. Et il continue toujours.
On ne devrait jamais considérer quelqu’un de « martien » en raison de son l'engagement et de son abandon de soi, mais plutôt de « martiano ».

Les êtres de l'au-d'ici

Il y a quelques années, j'ai pris contact avec le Réseau des bibliothèques rurales afin de participer à une réunion sur le thème de l'éducation interculturelle. Le jour de la rencontre, quelle ne fut pas ma surprise de prendre connaissance – presque par hasard — que l’endroit où la réunion avait lieu était l’endroit où plusieurs histoires avaient été sauvegardées; des histoires qui m’ont accompagné pendant une période très importante de ma vie.
Il y a plusieurs années, mon grand-père m’avait donné un livre très intéressant appelé « Les êtres de l’au-d’ici » [Los seres del más acá] concernant des traditions de Cajamarca; une série de récits qui, avec mes frères, nous avaient transportés vers des endroits que nous ne connaissions pas, mais qui nous semblaient familiers. Des histoires comme celle de l’endroit où on ne peut que passer qu’après dix heures du soir, soit près du Tragadero de Molinopampa. C’est là que s’arrête le cours d’eau venant de Llanguat. On dit que c’est parce qu’il y a là une truie et ses dix petits qui bondissent de l’eau. Si quelqu’un passe par-là, par le Tragadero, il trouvera une porte qui, si on la traverse, permet d’accéder à trois chemins, l’un menant à Llanguat, l’autre à Callacate et le dernier, à Limón. C’est comme ça que la truie ne disparaîtra pas lors de la fin du monde.
Ou encore, l’histoire de la « petite tête » de cette femme qui s’est endormie en ayant soif et sans boire de l’eau. Le soir, sa tête s’est arrachée de son corps en quête d’eau… Ce conte est un classique pour nous. C’est pour ça que, religieusement, avec mes frères, nous allions nous coucher après avoir bu un verre d’eau, juste au cas où.

Il est génial de pouvoir se souvenir ces histoires qui, aujourd’hui (maintenant plus âgée), j’avais oublié, même si elles continuent à avoir une grande signification dans ma vie. Rencontrer de nouveau ces « êtres d’ici » nous connecte, d’une certaine manière, avec notre histoire et nous rappelle qui nous sommes, puisque parfois, avec le passage du temps et les nouvelles occupations que nous acquerrons avec l’âge, et le fait que nous avons grandi en ville, nous oublions que le plus important est de partager avec cette grande famille que nous conformons; cette famille qui n’est pas uniquement composée de personnes, mais aussi d’animaux, de la chacra[1], des semences, des oiseaux, de l’eau.
C’est presque par curiosité que je me suis rapproché de Bibliotecas, à ces expériences si intéressantes comme les moments partagés avec Don José Isabel, à partager ses savoirs, à apprendre de cette affection si particulière d’entrer en relation avec la terre, à comprendre que les montagnes ne sont pas seulement des amas de pierres, mais aussi des « pharmacies universelles », qu’elles servent aussi à donner des signaux. Et surtout, un rapprochement fortement marqué par cette volonté d’en apprendre toujours un peu plus.
Aujourd’hui, cette proximité m’a énormément servi dans le travail que je fais; travail qui résulte parfois difficile en raison des intérêts d’une poignée de personnes qui cherchent constamment à rompre l’unité des communautés en quête de leur propre bénéfice.
J’essaie de partager ces expériences et ces récits avec d’autres personnes qui sont parfois, confrontées à des situations difficiles, mais qui, lorsque qu’ils entendent parler des résultats de votre travail, celui des Bibliothèques rurales de Cajamarca, retrouvent l’espoir et la motivation nécessaires pour les maintenir constants et fermes dans leur lutte, l’envie de continuer à vivre dans l’Ayllu[2].
C’est pour cela que je vous remercie d’avoir créé un petit espace dans leur vie, pour pouvoir apprendre et partager. Merci pour vos enseignements et je vous félicite pour vos efforts à vouloir continuer le travail de préservation et de partage de la tradition orale cajamarquina[3].

Ofelia Vargas Cerna





[1] Note de la traductrice : le mot « chacra » vient du quechua et fait référence aux terres cultivées.
[2] Note de la traductrice : un Ayllu (mot d'origine quechua et aymara) est une communauté composée de plusieurs familles dont les membres considèrent qu'ils ont une origine commune (réelle ou fictive) qui travaille de façon collective dans un territoire de propriété commune.
[3] Note de la traductrice : le gentilé des habitants de Cajamarca est « cajamarquino » et « cajamarquina ». L’adjectif est le même mot.