lundi 13 octobre 2008

Bibliothèque rurales en Colombie


La lettre d’Adriana Betancur, chef du Département de bibliothèques de COMFENALCO disait :


Notre travail et raison d’être, nous les mettons au service des communautés au milieu de livres, de revues, d’Internet et d’information locale pour fortifier les relations de voisinage, où, sur une base quotidienne, nous déballons les projets, les rêves et les conquêtes – bibliothécaires et culturelles – pour tisser des relations de confiance. En tant que manière de continuer à ce travail, de contribuer à la construction de communautés à partir des bibliothèques, de nous approcher d’une manière distincte aux communautés rurales, nous vous sollicitons de nous accompagner du 16 au 18 avril de cette année, pour dicter une conférence et développer un atelier autour du « quoi-faire » des bibliothèques dans des secteurs ruraux pour les bibliothèques, des gestionnaires culturels, les leaders communautaires et les membres des organisations de base qui tissent présentement les plans de développement de la ville.

Ainsi, dans le parc Bibliothèque de Belén de Medellin-Antioquia, Alfredo Mires Ortiz, conseiller exécutif du Réseau, nous entretiendra lors de la conférence « Le livre au sein des fils d’Atawalpa : l’expérience de la Red de Bibliotecas Rurales de Cajamarca, Pérou et il animera un atelier de lecture à partir du tissu communautaire : Conception et méthodologie du “quoi-faire” bibliothécaire dans les zones indigènes et rurales ». Ces deux événements sont organisés par COMFENALCO-Antioquia, la gouvernance de Antioquia et la mairie de Medellín.

mercredi 28 mai 2008

GEPA

« Ces pierres ne compromettent rien, mais elles nous sauvent de l’oubli. » E. Galeano - Huiztilopochco 1773



Le Groupe d’études de la préhistoire andine (GEPA) s’est formé à partir des efforts du Réseau de bibliothèques rurales de Cajamarca dans le but de récupérer les racines et la mémoire des communautés originaires.
À partir de l’expérience de la tradition orale, le GEPA a assumé la tâche de compiler l’art rupestre et l’iconographie de Cajamarca dans l’urgence de revendiquer les liens avec la terre et les montagnes, en tant qu’espaces sacrés. Il s’agit aussi d’une manière de protéger les montagnes de la dévastation.
Cela implique de vastes processus d’exploration et d’éveil de la mémoire dans les communautés, ainsi que l’enregistrement, l’étude et la diffusion de l’extraordinaire plasticité léguée par nos ancêtres.

L’Archive de la tradition orale de Cajamarca

L’Archive de la tradition orale de Cajamarca (ATOC)

L’Archive de la tradition orale de Cajamarca (ATOC) s’est formée avec les registres que nous avons accumulés à partir de la campagne (campo), depuis 1981. Dans un premier temps, le recueil s’est fait sans registre central, en feuilles libres, et après, dans des cahiers que chaque comunero rédigeait. 

Avec la première compilation, il a été possible de publier la collection Bibliothèque paysanne qui être toujours active. Plus tard, nous avons recouru aux enregistrements sur cassette audio, qui ont été par la suite transcrits et archivés.

En construisant le Projet d'encyclopédie paysanne, le système de recueil en feuilles libres s’est maintenu avec la publication de notre « Cahier de rescousse »; celui-là même qui contient des feuilles vierges pour que soient ajoutés des dessins et des indications thématiques et méthodologiques pour encourager et orienter les compilations.

Comme cette tâche de rescousse de la tradition orale de nos populations s’est faite en incorporant les professeurs et les élèves des écoles, ainsi que les étudiants et d’autres personnes reliées aux communautés, l’archive a grandi à un point tel que nous avons dû le considérer comme une source d’information exclusive.

Et sa croissance n’a pas cessé depuis puisque de l’information en provenance du milieu rural continue d’être amassée de manière permanente. Ceci a contribué à la conservation des connaissances andines, mais aussi à rendre possibles cette archive et les diverses publications du Réseau. Par le fait même, ces informations ont permis la consolidation de notre propre sagesse et que celle-ci se répande au sein de nos communautés.

Programme communautaire

Nous sommes un groupe de personnes – organisées à travers à un Programme de travail du Réseau de bibliothèques rurales de Cajamarca – qui travaillons à l’accompagnement de familles et de communautés paysannes avec des membres « handicapés », tel qu'ils sont

communément appelés.

Nous utilisons, en tant que contrepoids à ce terme négatif, la dénomination « personnes avec des capacités projetables (PCCP) », parce que nous prenons en compte la capacité et la valeur de chaque membre de notre communauté. Notre travail, justement, est de réveiller ou de « rappeler » – terme utilisé en campagne pour « réveiller » – ces capacités qui, parfois, sont « en repos » chez ces personnes. Dans la campagne de Cajamarca, nous disons, « rappelle-toi » quand nous voulons réveiller quelqu’un. 
Le programme est communautaire parce qu’une partie de la vision andine, qui est toujours communautaire, repose sur la communauté comme noyau de la vie.

Nous savons aussi que le « traitement » ou la « réhabilitation » individuelle ne donne pas de résultats pas si elle n’est pas reliée, entretissée et enracinée dans le contexte vital de la communauté. Et nous savons aussi que tout parcours est plus facile lorsqu'il est endossé ensemble et que tout travail est plus facile en minga (travail collectif).
Notre travail en tant que tel varie de communauté en communauté, de famille en famille, selon les circonstances, les situations et les problèmes qui se présentent à nous. Pour pouvoir accomplir cette tâche, nous nous soumettons à un échange permanent et à une formation continue, prenant toujours en compte les coutumes, la sagesse de nos aînés et les savoirs andins. 

Finalement, le projet du Programme communautaire ne serait pas possible sans l’appui de l'organisme Kindernothilfe, Duisburg, situé en Allemagne et le travail solidaire de l’Association « David´s Schleuder », Speidelstr. 29, D-72213 Altensteig, aussi située en Allemagne.

L'encyclopédie paysanne

La tradition orale andine se définie-elle par l’oralité ou implique-t-elle
une diversité de facteurs qui reposent sur la relation société-nature?


L’étude des traditions orales à partir des conceptions de la population paysanne-andine, permettrait de mieux connaître le processus de transmission de la connaissance. En prenant en compte le rôle que joue le contexte naturel (moment, environnement, éléments référentiels, participants, variations, etc.) dans la tradition orale, il existe des pistes méthodologiques qui pourraient être considérées pour l’élaboration de propositions pédagogiques.

Il n’y a pas de feuillage sans racines
La communauté doit être considérée comme point de départ et d’arrivée. En 1981, nous, du réseau des Bibliothèques rurales de Cajamarca, nous avons écrit les histoires et contes de nos communautés. Nous avons aussi élaboré des libres avec eux; livres qui ont été par la suite publiés afin de retourner vers leur lieu de départ. « Il ne suffit pas d’apprendre à lire, il faut aussi produire nos propres livres ».

En 1986, nous avons fondé l’Encyclopédie paysanne avec les comuneros (paysans des communautés). En travail collectif, avons créé la série Nosotros los Cajamarquinos (Nous, ceux de Cajamarca): 20 tomes dans lesquels les propres mots font ressortir la vie de ceux qui ont été et qui continuent d’être. Identité et dignité s’additionnent au processus de dissolution du lustre qu’a toujours revêtu le livre comme instrument de pouvoir. « Maintenant, nous ne faisons pas que lire, maintenant, nous produisons nos livres. » Et la vie continue.

Notre terre

Tenant compte de l’idée conventionnelle que nous nous faisons d’une bibliothèque, il est nécessaire de se situer dans le contexte : dans nos communautés, il n’y a ni électricité, ni services d’eau potable ou d’aqueduc. Dans plusieurs de ces communautés, les familles réussirent à s’alimenter une fois par jour avec le peu qu’elles soutirent de leur terre. Malgré le fait que les statistiques disent le contraire, dans plusieurs localités (caserios), plus de la moitié de la population ne sait ni lire ni écrire et si, d’une quelconque manière, certains apprennent à lire et écrire, ils auront tôt fait d’oublier, et ce, en raison du peu de pratique et du manque de matériel de lectures appropriées ou accessibles à eux.

Bien qu’ils garnissent, par leur travail, toutes les tables du pays, les paysans reçoivent des prix ridiculement bas pour leurs produits.

Cajamarca

Cette ville se situe dans la sierra nord (espace montagneuse) du Pérou et elle est considérée comme un des endroits les plus affligés du pays. On l’appelle la « pauvreté très pauvre » et ça, c’est bien plus qu’un nom pour ceux qui ont faim. Pourtant, Cajamarca produit 78 % des lentilles qui se consomment partout au Pérou. Des trente-trois mille tonnes métriques de haricots secs (arvejas) qui se produisent au niveau national, Cajamarca en produit 37 %; elle produit aussi 30 % des 120 000 tonnes métriques de café, presque 25 % des réserves de soja et près de 20 % des 230 450 tonnes métriques de maïs amylacé (contenant de l’amidon).

Incluant le lait et l’or, aucun département ne dépasse la quantité de ces produits dans tout le Pérou. Cajamarca produit aussi le tiers de tout l’ail du pays et occupe la seconde place dans la production de riz (16,6 %), de l’oca, un type de tubercule (16 %), de haricots secs (14,3 %) et de blé (12,1 %). Elle détient la troisième place dans la production de papayes (17,3 %), du maïs « choclo » (12 %) et du haricot vert (arveja verde) (11 %), ainsi que la quatrième place dans la production du yucca (manioc) (9,1 %) et le cinquième rang dans la production des pommes de terre (8 %).

Néanmoins, à Cajamarca, la carence « du pain quotidien » frappe plus de 80 % de la population. Les statistiques officielles disent que la dénutrition affecte 65,5 % des enfants et que chaque année, 52 enfants sur 1000 meurent avant d’atteindre leur première année de vie. Même encore, dans plusieurs provinces, c’est presque les 80 % qui souffrent de l’absence de repas. Les statistiques disent aussi que dans certains endroits, près de 20 % des personnes ne sait ni lire ni écrire, surtout les femmes. En général, 10 % des jeunes âgés de 15 à 17 ans sont analphabètes. Il s’agit d’un « département à faible développement éducatif », disent les experts. La vérité c’est que Cajamarca est encore plus pauvre depuis que son territoire est librement exploité par les compagnies minières les plus riches du continent.

Aujourd’hui, d’une certaine manière, ce sont nous les « flagellés de l’histoire », les marginalisés de la macroéconomie, les ignorés par la science officielle. Malgré tout, nous sommes présents, ici : nous ne voulons pas être considérés en tant qu’objets d’étude, mais en tant que sujets de notre propre destinée et en tant que protagonistes d’un chemin construit a punta de fuerza y alma.

Nos outils

“… Nous possédons une grande diversité d’outils, dans les champs, outils qui représentent le travail et qui nous permettent de travailler nos terres en vue d’une multiplication des vies et la subsistance primordiale sous tous ses aspects… le travail que nous offrons est l’effort collectif de plusieurs de nos frères, de différentes provinces ; ceux-là mêmes qui viennent travailler au sein de la Red de bibliothèques »

José Humberto Velarde Chávez, de Agomarca.



Paysans : Basé sur l’identité et la dignité des populations andines, au sein desquelles persiste l’équilibre harmonique de l’existence; ceux-ci assurent la vie par leur travail quotidien lié aux « chakras » (fermes). Le rythme de notre accompagnement est sujet au rythme du calendrier agricole.

Communautaire : L’axe qui articule, qui génère et qui multiplie la vie et la santé de tous les êtres. Ceci implique être croyants, fidèles au sacré de la terre et du cosmos. Affirmer ce sentiment communautaire, celui d’être une partie d’un tout, appelle à revigorer la mémoire de la communauté : sauver l’« être », ce qui avons toujours été et ce que nous sommes.

Volontaires : Les sujets participants de ce processus ne répondent ni à un stimulus conjoncturel ni économique. Il s’agit plutôt d’un stimulus qui les transcende. C’est la volonté d’assurer et de protéger la santé et la vie des autres, dans un esprit de réciprocité.

Témoins : Cheminer. Cela implique livrer des témoignages des parcours (andares) et savoirs partagés. Pour cette raison, il s’agit de prendre le livre comme un outil et un instrument qui articule le travail, telle une « marmite de savoirs », multiplicatrice de connaissances et tous les peuples.

Le Réseau

Le réseau a été créé et fondé en 1971, par le révérend Juan Medcalf et les paysans qui, à l’époque, l’accompagnaient. Depuis 1972, cette proposition s’est construite progressivement, en s’adaptant à la série d’expectatives de la population paysanne elle-même. Sans aucun doute, sa plus grande vertu réside dans le fait que ce projet ait commencé en tant que programme et non en tant que modèle; l’expérience alimentant la croissance du projet.

Sans locaux ni véhicules, reposant sur le bénévolat, échangeant des livres comme on échange les semences du temple avec celles des hauteurs, le Réseau (Red de Bibliotecas Rurales de Cajamarca) a pu consolider ses noeuds et cerner ses possibilités.

Le mouvement s’est surtout concentré en campagne. Il pourrait avoir un autre nom, puisque celui de « bibliothèque », d’un point de vue formel, n’équivaut pas au processus qui s’est développé (puisqu’aucune des personnes qui travaillent avec le réseau n’a de formation académique de bibliothécaire); ce sont les livres usagés, en tant qu’outils, qui imprègnent cette caractéristique, sans être totalement la raison d’être ni le seul objectif poursuivi.

Dans la ville de Cajarmarca, il y a un bureau central où travaillent, de manière permanente, trois personnes qui se consacrent aux questions plus administratives et techniques. Considérant la bureaucratie comme un obstacle nocif, tout type de centralisme dans la prise de décision et dans l’élaboration des programmes de travail ponctuels a été repoussé. De cette manière, le bureau central consiste en une sorte de construction qui s’efforce à consolider ledit mouvement.

L’ORGANISATION

L’organisation du Réseau rend possible ce défi : un ensemble de communautés-bibliothèques rurales constitue un « secteur », pris en charge par un « coordonnateur sectoriel » qui, en même temps, est bibliothécaire; un ensemble de « secteurs » constitue une « zone », pris en charge par un « coordinateur zonal » qui, en même temps, se charge d’un secteur et de sa bibliothèque. L’ensemble des « coordinateurs zonaux » constitue le « Conseil permanent de coordination ». Ce conseil élit un « coordinateur général », paysan, comme tous les autres coordinateurs et bibliothécaires; ce conseil est ramifié à l’Assemblée générale (la réunion des bibliothèques rurales, le bureau central, les coordinateurs sectoriels et zonaux). Ainsi, les bibliothécaires et les coordinateurs vétérans du Mouvement constituent le Conseil des aînés, entité qui élucide et précise les aspects névralgiques du Réseau.

Ainsi, le point de départ et d’arrivée est la propre communauté.



LE FONCTIONNEMENT

Le bibliothécaire rural est élu en assemblée communautaire. Ce qui prime, ce sont l’appréciation et l’affection démontrées envers la personne qui sera élue. Sa maison devient la bibliothèque; sa famille, les bibliothécaires. Il n’y a ni étagères ni salaire : tout est volontaire. Ils font la gestion d’un ensemble de livres qui s’échangent, après leur lecture, avec une bibliothèque rurale voisine. Les livres vont et viennent. L’enrichissement prédomine, persiste.

Nos objectifs


  • Reconnaître et revigorer notre culture;
  • Apprendre à lire et écrire à partir d’une manière d’être;
  • Offrir, de manière permanente, un service d’information et de formation à travers les livres;
  • Produire du matériel bibliographique à partir de la connaissance des populations elles-mêmes;
  • Impulser et accompagner la formation de groupes de lecture et d’application à partir des lectures;
  • Revigorer les savoirs traditionnels;
  • Appuyer les activités culturelles des communautés paysannes.

Notre histoire

Temps de révolution et de changements. Temps d’urgences. Le Pape Paul VI disait lors de l’ouverture de la seconde conférence épiscopale latino-américaine, célébrée à Medellín en 1968 : « Nous ne pouvons être solidaires avec des systèmes et des structures qui dissimulent et favorisent de graves et d’oppressantes inégalités entre les classes et les citoyens dans un même pays ».




Paulo Freire, en 1970, disait :

« Maintenant, personne n’éduque personne. De même que personne ne s’éduque soi-même : les hommes s’éduquent en communion, et de manière médiatisée à travers le monde ».

Le ministre de l’Éducation dans un congrès mondial, en 1971, disait : « Le Pérou est en train de vivre un des moments les plus importants et décisifs de son histoire (…) nous nous sommes compromis dans la tâche d’éducation “libératrice” et dans la mission de créer une nouvelle société ». Réforme agraire, nationalisation d’entreprises, mobilisation sociale, nécessité de connaître les lois et le sens profond d’un tel sujet.

Juan Medcalf : religieux anglais, naturalisé péruvien, accompagnait alors le processus des paysans de Cajamarca, dans leur soif d’obtenir de l’information et des données pour continuer leur apprentissage. Brochures, coupures de journaux et de revues, romans variés s’échangent de main en main et les envies alimentent les envies : sous chaque chapeau, peu à peu la prépotence qui a toujours inclus l’écriture, s’efface. Une pelle sert à ouvrir des sillons ou à excaver des sépultures; le livre, dépositaire de cette différenciation assaillante, a permis de faire émerger, peu à peu, un autre puits où s’abreuver. C’est ainsi qu’on a dompté les taureaux. C’est ainsi qu’on a cultivé le blé. C’est ainsi qu’on s’est distrait par la harpe et qu’on a domestiqué le cheval. Aux pages qui ont servi à soumettre les peuples, ces mêmes peuples les cultivent afin de continuer à se défendre, à se fortifier, à se mobiliser.