mercredi 29 décembre 2010

Les bibliothèques publiques, d'hier à aujourd'hui

En révisant un exemplaire ancien de la revue Fénix de la Bibliothèque Nationale du Pérou, j'ai trouvé deux articles parmi plusieurs autres sur des bibliothèques publiques à Lima et dans les différentes provinces, en référence à Piura et qui montrent deux attitudes opposées et très significatives face la nécessité de la lecture chez les Péruviens.
La Bibliothèque municipale d'Ayabaca, fondée en 1957, avait un bibliothécaire qui allait de maison en maison en offrant les livres qu'il laissait en dépôt aux familles et après celles-ci les rendaient. Ainsi, il réussit à intéresser beaucoup de personnes qui n'avaient jamais eu de livres à lire. Quelque chose de similaire arriva à partir de 1971 avec les Bibliothèques Rurales de Cajamarca. Pendant ce temps-là, à Catacaos, la Municipalité décida de fermer sa bibliothèque au mois de septembre 1957 en alléguant que la faible affluence d'utilisateurs ne justifiait pas l’« effort » de poursuivre ledit service.
Ces deux exemples continuent de répéter dans tout le pays. Pendant que certains gouvernements locaux intervertissent dans ses bibliothèques, d’autres les ferment pour minimiser les frais. Jusqu'à présent, il y a des municipalités qui ferment leurs bibliothèques entre janvier et mars, justement quand les enfants sont en vacances et quand il serait très opportun de leur offrir des programmes de promotion de lecture.
Nous avons récemment vu une affiche sur la porte d'une bibliothèque dans un hameau de Piura qui disait : « L’accès à aux enfants âgés de moins de 7 ans est défendu ». Si nous ne les stimulons pas à lire : comment et quand apprendront-ils à comprendre ce qu’ils lisent? La compréhension de la lecture ne s’apprend pas dans un cours et ni dans plusieurs, c'est la conséquence logique d'une longue pratique lectrice qui, plus elle commence tôt et joyeusement, plus de succès elle obtiendra.
En attendant, pendant que quelques bibliothécaires s'efforcent d’améliorer leurs services,  d’autres ferment parce que l'on ne peut pas s'engager des travailleurs par plus de onze mois pour ne pas générer d'engagement de travail. Par conséquent, la bibliothèque perd des lecteurs, perd des livres, et chaque année elles recommencent à zéro, sans progrès possibles.
Il faut s'imaginer ce qu’il arrivera quand il n’existe plus de travailleurs nommés et que le rêve des néo-libéraux d'obtenir un état invisible se fasse réalité: les bibliothèques disparaîtront et non à cause d'Internet, comme certains le craignent.

Anahí Baylon Albizu

Un cordial salut en ce temps des Fêtes

Des mots d’encouragement

Le 20 décembre est apparu sur la première page du journal La República l’articule suivant sous le titre « Dynamisme dans d'autres secteurs de Cajamarca » :

Du côté culturel, nous devons souligner le travail du Réseau des bibliothèques rurales de Cajamarca, avec sa présence à travers le pays dans la région, encourageant l'étude, la collecte et la publication de nouveaux volumes de sa bibliothèque et ses études de l'art rupestre et de l'iconographie de Cajamarca. Selon des données récentes, 60 % des lecteurs du Réseau sont des femmes, ce qui confirme le rôle croissant des femmes dans le développement du pays.

Nous sommes reconnaissants de ce commentaire de M. Luis Balcazar Ginocchio qui, à son tour, a eu la gentillesse de se présenter en personne à notre centrale de soutien pour faire un don de livres.

L’assemblée générale

À la mi-décembre a eu lieu l'Assemblée générale de notre Réseau. L'objectif principal était d'évaluer la trajectoire de l'année 2010 et de se préparer à la célébration des 40 ans en 2011, en plus de fixer les bases de 2011-2015. Le Réseau communautaire a fixé quatre lignes directrices pour la prochaine période. Lors de l'Assemblée, nous nous sommes concentrés sur la conversation, le débat, l'examen du travail « quotidien » (visites aux bibliothèques, échange de livres, recueil des fiches de lecteurs, et la formation) et les étapes qui font avancer l'organisation des communautés.

Ce fut très agréable d'avoir la présence de cinq nouveaux coordonnateurs, ainsi que les jeunes comuneros qui se sont intégrés récemment au Réseau. Le Comité permanent du Conseil de coordination s’est réuni avant le début de l'Assemblée générale et a tracé les lignes directrices qui ont marqué la rencontre. L’enthousiasme d’avoir pu partager ces moments nous donne la force de continuer sur la même voie, exigeante et pourtant, toujours renouvelée.

mardi 30 novembre 2010

Agenda 2011

Dans le cadre de la préparation de la célébration des 40 ans de notre Réseau de Bibliothèques Rurales l’année prochaine, nos compagnons Alfredo Mires et Ofelia Vargas ont dessiné l'agenda 2011 (et qui se trouve déjà sous presse) : nous sommes ce que nous sommes [Somos nosotros].

Avec les mois et les jours écrits en quechua et en espagnol, chaque page de cet agenda est illustrée par l'iconographie de Cajamarca (peintures rupestres, lithosculptures, céramiques, etc.) et avec des textes qui encouragent la réflexion, en plus de donner de l’information cruciale sur le contexte.

L'agenda inclut aussi un planificateur annuel, les phases de la lune et quelques pages destinées à un répertoire.

Pukarita

Il y a quelques semaines, en coordination avec le Centre Culturel Yachayhuasi – de la province de Cajabamba–, le Groupe d'Étude de la Préhistoire andine de notre Réseau de bibliothèques a réalisé une marche d'exploration au très ancien centre cérémonial de Pukarita.

Le lieu, assez bien conservé par les difficultés qu’implique l'accès, est l'un des principaux bastions d’art rupestre de Cajamarca, en plus de conserver une faune et une flore qui se trouvent sérieusement menacées de disparition.

Grâce à cette activité, nous nous apprêtons à éditer les données obtenues de cette randonnée, dans un effort de contribuer à la préservation de la mémoire des lieux.

Concert solidaire

Ici, voici des photos du concert solidaire qui a été réalisé à Londres, en octobre dernier, au nom de notre Red et en mémoire de Sara Heery.
Par l’intermédiaire d’Helen Heery, nous faisons parvenir une fois encore notre reconnaissance à sa famille, aux musiciens et aux interprètes qui ont participé au concert, à l'équipe qui s'est chargée de l'organisation et à toutes les personnes qui, à leur manière, ont rendu cet évènement possible.
Ce geste fraternel a une répercussion dans notre âme, dans le fonctionnement de notre institution et sur la propre vie de nos communautés.

mercredi 17 novembre 2010

Paulo Freire et l'engagement

~ Dans le conflit entre le puissant et le dépossédé, le fait de ne pas intervenir ne signifie pas être neutre, mais se ranger aux côtés du puissant.

~ L'engagement serait un mot creux, une abstraction, s'il n'implique pas la décision brillante et profonde de celui qui l'assume. S'il ne se donne pas dans un cadre concret.

~ La première condition pour qu'un être puisse exercer un acte d’engagement réside dans le fait qu’il soit capable d'agir et de réfléchir.

~ Tel il n'y a pas d'homme sans monde, ni monde sans hommes, il ne peut pas y avoir une réflexion et une action en dehors d’une relation homme-réalité...

~ L’engagement envers l'humanisation de l'homme, qui implique une responsabilité historique, ne peut pas être réalisé à travers le bavardage ni à travers aucune autre forme qui cherche à fuir le monde, la réalité concrète, où les hommes concrets se trouvent. L'engagement, comme fondement de l'existence humaine, existe seulement dans ce compromis envers la réalité, dont les « eaux » mouillent, trempent les hommes véritablement engagés.

~ Je ne peux pas bureaucratiser mon engagement de professionnel en servant, dans un investissement de valeurs trompeuses, plus les moyens qu'à la finalité de l'homme. Je ne peux pas me laisser séduire par les tentations mythiques, entre celles-ci celle de mon esclavage aux techniques qui, étant élaborées par les hommes, doivent être ses serviteurs et non ses maîtres.

~ Il n’y a pas d’authentique engagement possible si, à celui qui est se pense engagé, la réalité lui apparaît comme quelque chose de donné, de statique et d’immuable.

~ Si mon engagement est réellement avec l'homme concret, avec la cause de son humanisation, de sa délivrance, je ne peux pas par cela même faire abstraction de la science et de la technologie, avec lesquelles je m’outille pour mieux lutter pour cette cause.

~ Nous sommes convaincus à ce que ce moment historique de l'Amérique latine exige de ses professionnels une réflexion sérieuse sur sa réalité, qui se transforme rapidement, de laquelle son insertion dépend. L'insertion qui, en étant critique, est s’avère être un engagement véritable. Un engagement à faire partie de l’Humanité.

mardi 9 novembre 2010

Revenir à Sainte Anne

Santa Ana, près de Cascas, est le lieu où vit Gabicita, protagoniste du livre des « Les yeux de Gabi ». Ce livre est – d’une certaine manière — un « best-seller » parmi les publications de nos bibliothèques rurales.

Santa Ana est spéciale.

Il y fait chaud, c’est très vert, avec beaucoup, beaucoup de plantes, une rivière impressionnante, des raisins, des papayes, des bananes, des avocats partout et cet air tiède en soirée qui réveille les souvenirs et les conversations.

Revenir à la Sainte Anne m'apporte beaucoup de nostalgie et de force.

C'est le lieu où j'ai été pour la première fois avec Alfredo, Rumi et Mara pour visiter une petite fille du Programme communautaire. C'est là où Alfredo a rencontré les yeux qui ont inspiré le livre. Et c'est là où la grand-mère de Gabi nous a parlé de l'ange que Dieu lui a envoyé chez elle pour la soigner.

Mais Santa Anne est aussi le lieu où la communauté attend, chaque année, notre arrivée pour se réunir pendant le jour et la nuit pour parler de sa santé. C'est là où nous conversons sur les possibilités de nous soigner, de vivre de manière plus saine, de croître ensemble. Ensemble, nous apprenons les uns des autres.

Beaucoup de mes connaissances de médecine naturelle proviennent de ces conversations… et puis je les apporte avec moi, dans mon coeur et mon esprit, à d'autres lieux. J'ai appris des comuneros, de Don Marciano Amaya — notre coordinateur de la zone — et d'Alfredo. Et je sais que ce groupe de familles qui s'est formé à Santa Ana à la suite de ces réunions croît aussi.

Merci Alfredo et Marciano de nous enseigner.

Et je remercie Gabicita de nous inspirer cet apprentissage.

Rita Mocker

 


« Je veux vous demander de lire »

Nous transcrivons ici les extraits du discours que le maître Ernesto Sábato – un écrivain, un essayiste, un physicien et un peintre argentin – a prononcé durant un évènement réalisé en mai 2004 :

Je veux demander aux jeunes, avec l'autorité que me donnent les années, de lire. Moi aussi, quand j’étais un jeune garçon, je lisais, et ce sont les livres qui m'ont aidé à comprendre et à vouloir une vie dans toute sa grandeur. Ce sont eux qui ont semé dans mon âme ce qu’ensuite les années ont pu amplifier. Comme j’ai déjà pu le dire à d'autres opportunités et je le réaffirme ici : la recherche d'une vie plus humaine doit commencer par l'éducation. Comme a pu le souligner Simone Weil, le devoir de la lecture est « de préparer pour la vie réelle, de former l'être humain pour que lui-même puisse entretisser, avec cet univers qui est son héritage, et avec ses frères dont la condition est identique à la sienne, des relations dignes de la grandeur humaine ».
Tant d’années ont passé, mais je conserve encore et toujours le souvenir de mon école de Rojas et de ce collège de mon adolescence où, comme vous, j'ai été conduit au seuil de la pensée et de l'imagination. Avec un mélange de rigueur et de tendresse, nos maîtres et professeurs nous ont appris à chercher la vérité, en même temps que se formaient dans nos esprits des valeurs essentielles. Avec les savoirs qui intègrent l'éducation élémentaire, ceux-ci nous ont transmis quelque chose de l’héroïque épopée de l'homme. Nous nous sentions souvent égarés devant ces événements, sans doute parce que les motifs dépassaient ce que nous pouvions comprendre. Ces récits, remplis de danger et passion, réussissaient à susciter notre étonnement, ce qui demeure la pierre angulaire du vrai enseignement. Durant cette période, les idées essentielles qui m'ont accompagné le long de la vie se sont forgées et les racines de tout celui qui je devais être se sont implantées.
Lire vous agrandira l'horizon de la vie. Lire vous donnera un regard plus ouvert sur les Hommes et sur le monde et vous aidera à repousser la réalité comme un fait irrévocable. Cette négation, cette révolte sacrée, est la crevasse que nous ouvrons sur l'opacité du monde. À travers elle on peut filtrer une nouveauté qui encourage notre engagement. Priver un enfant de son droit à l'éducation, c'est l'amputer de cette première communauté où les peuples mûrissent leurs utopies. »

La fronde de David

Pour encourager l'autre à lire ...

Sur les chemins vers les communautés dans lesquelles se trouvent nos bibliothèques rurales, ainsi que dans les maisons des bibliothécaires, on peut trouver des affiches encourageant la lecture. Ici, nous partageons une d’entre elles, dont le texte est du poète César Vallejo :

En s’entrelaçant parleront les muets,
les tulipes avanceront!
Les aveugles verront de nouveau
et en palpitant, les sourds écouteront!
Les ignorants sauront, les savants ignoreront!
Les baisers que tu n’auras pas pu donner seront donnés!
Seul la mort mourra!
La fourmi apportera de petits morceaux de pain
à l'éléphant enchaîné
à sa délicatesse brutale;
les enfants avortés reviendront
pour naître parfaits, spatiaux
et tous les hommes travailleront,
tous les hommes engendreront,
tous les hommes comprendront!

Ne reste pas à cette page! Continue de lire dans ta bibliothèque …

mercredi 20 octobre 2010

12 octobre

Le 12 octobre est célébré aux États-Unis comme étant le « Columbus Day » [Jour de Colomb], soulignant l'arrivée de Christophe Colomb dans le Nouveau Monde le 12 octobre 1492. Aux États-Unis, de nombreux militants exigent un réexamen de ce « holiday », une célébration officielle depuis 1971.
 
Comme on le sait, dans plusieurs pays d'Amérique latine, ce jour porte le nom de « Columbus Day ». En Argentine, le nom a été changé pour celui du « Jour de la diversité culturelle américaine ». En Uruguay, ce jour est plutôt appelé « Le jour des Amériques » et il est célébré le 12 avril. Au Venezuela, le nom a été changé en 2002 par Chávez pour celui de « Jour de la résistance indigène ». Au Chili, cette journée est officiellement appelée le « Jour de la découverte des deux mondes ».

 
Pour beaucoup, c'est l’occasion de célébrer l’« hispanité » ou de célébrer la fusion des races autochtones et européennes. Mais il s’agit tout de même d’une hypocrisie totale. Une date fatale pour l'histoire des Indiens sur une journée de célébration.

 
À partir du moment où Christophe Colomb a vu la terre le 12 octobre 1492, c’est tout le cours de l'histoire autochtone qui a changé. En arrivant dans la région que nous appelons maintenant Les Bahamas, avant Guanahani, Colomb fut reçu amicalement par les peuples autochtones lucayan, taino et arawak. Colomb et les membres de son équipage manipulèrent l’hospitalité reçue par les gens de l’endroit, pour ensuite les massacrer, les asservir et s'emparer de leurs terres au nom de la Couronne espagnole. Il écrivit dans son journal de voyage : « Ils feront de bons et qualifiés serviteurs, parce qu'ils répètent très rapidement ce qu’on leur dit. » 

 
Au cours de ses quatre voyages dans les Amériques, chacun d’eux se faisait plus funeste que le dernier pour les habitants du nouveau continent. En deux ans, les historiens estiment que la moitié du peuple taino fut massacré. Déjà en 1550, il n'y avait plus que quelques Tainos sur l'île La Española et au Mexique. Selon l'auteur Tzvetan Todorov (« La conquête de l'Amérique : le problème de l'autre »), une population autochtone estimée à 25 millions fut décimée, comptant approximativement un million d’habitants en 1605. Cette baisse de la population autochtone dans les Amériques fut par la suite le résultat de la traite négrière, suivi par le travail (cheap labor) des Chinois après l'abolition de l'esclavage.


 
Mais, ceci n'est pas l'histoire racontée dans les manuels scolaires. La brutalité des envahisseurs, l'histoire des Premières Nations et leurs traditions, ni aucun hommage aux cultures qui étaient ici bien avant l'arrivée de Colomb.

 
Bien qu’il ne faille pas attribuer la responsabilité à Colomb pour tous les maux liés à la Conquête, nous pouvons tout de même exiger que cette journée ne soit pas un jour de célébration. Il est nécessaire de « revisiter » l'idée même de cette journée, à la lumière de leurs conséquences.

Maryse Tétreault


Plus de vidéos

Le vidéo sur la trajectoire de la Red, créé par notre ami Pier Paolo Réseau Giarolo, a maintenant de nouvelles versions.
La version espagnole sans sous-titres se trouve à l’adresse suivante : http://www.vimeo.com/15828238
La version française avec sous-titres : http://www.vimeo.com/15831981
La version italienne sous-titrée : http://www.vimeo.com/15895474
Grâce à l’appui de nos partenaires, bientôt nous aurons – aussi – des traductions en allemand et en anglais.

lundi 18 octobre 2010

Espoir pour Le dompteur

Nous, les personnes qui conforment cette famille, sommes attentives à la grande sagesse de nos ancêtres et sommes conscientes de combien nous avons à apprendre de la vie dans nos communautés.
À la rescousse de cette sagesse pour laquelle il a consacré sa vie entière, ses efforts et son amour se trouve notre compatriote Alfredo Mires, de concert avec nos collègues du Réseau. Toutefois, la diffusion de ces connaissances se trouve souvent affectée par le manque de ressources; ressources qui nous permettraient de soutenir la publication de nos livres.
Cependant, la reconnaissance, l'identification et la solidarité avec notre travail de la part des personnes et des organisations permettent également la publication de certains de ceux-ci.
C'est le cas de l’Association Espoir TM de Belgique : grâce à leur soutien, un premier numéro de « Le dompteur de contes » [El domador de cuentos] se trouve sous presse; un livre qui nous fait aussi connaître quelques-unes des extraordinaires illustrations de l'artiste espagnol Daniel Montero Galán.
Ceci sera notre premier livre à être publié en couleurs. Dans la mesure où nous nous auto suffisons, nous n'avions jamais eu la possibilité auparavant d'aller au-delà du noir et blanc. Il s'agit d'une incitation à aller de l'avant dans la réévaluation de notre culture, et cela nous emplit d’une grande joie, car un autre de nos livres pourra prendre le chemin de nos bibliothèques. Et ce sera également une motivation pour nos lecteurs dans la campagne.
Nos sincères remerciements et affection à Jérôme, Clara, Emmanuelle, Cristina et à tous les amis de l’Association Espoir.

Retrouvailles


Chers amis membres des bibliothèques rurales,

Recevez nos salutations de Liverpool!
Je vous remercie énormément pour le temps passé avec Helen et Kate à Cajamarca. Elles ont réellement vécu une expérience inoubliable en voyant votre extraordinaire travail fait en étroite collaboration avec les bibliothèques en milieu rural.
Nous sommes restés debout jusqu'à la moitié de la nuit pour les écouter nous raconter tout sur le Pérou, sur votre histoire et vos efforts pour garder vivante la grande tradition culturelle et mode de vie de ses habitants.
Nous sommes fiers que, grâce à la visite de notre Sara, nous ayons humblement été en mesure d'avoir un petit rôle dans ce que vous faites.
En tant que famille, nous sommes conscients du travail des missionnaires dans des pays lointains. Ma sœur Jean et mon frère Jimmy ont passé de nombreuses années dans les missions. La photo que je vous envoie fut prise en 1992, quand presque toute notre famille s’était réunie pour célébrer le 50ème anniversaire de l'ordination de Jimmy: il a passé 35 années à Bornéo avant d'avoir été forcé de rentrer chez nous, après avoir perdu un pied. Jean, debout derrière Jimmy, a travaillé comme médecin en Éthiopie pendant près de 40 ans, en tant que Sœur de charité. Elle est morte il y a deux ans.
Chacun d'entre nous apprécie l'histoire des Bibliothèques rurales et  sommes très intéressés à continuer d’entendre parler du travail que vous faites.
Félicitations pour votre Assemblée et bonne chance dans tout.

Jack et Margaret Heery

Martien

Il y a de cela plusieurs années, l'anthropologue Lourdes Endara publia le livre « Le Martien du coin, l'image de l’Indien dans la presse équatorienne durant le soulèvement de 1990 » [El marciano de la esquina: imagen del indio en la prensa ecuatoriana durante el levantamiento de 1990]. Endara mentionne que « Pour toutes les sociétés, l’Autre” est toujours un Martien. La réaction face aux actions de ces “autres” suit le même principe décrit dans le cas de Martiens. Chaque fait nouveau à leur sujet est lu, ou plutôt connoté à travers les filtres des connaissances préalablement socialement et collectivement accumulées par les sociétés. »

Ainsi, pour certains, les comportements de notre compagnon semblent bizarres ; notre ami qui est vraiment un Martien, en raison de son nom : Martiano Amaya Pretel, habitant du village de Anricsha, dans la province de Contumazá et bibliothécaire en chef (coordinateur) de ce secteur.
Il a commencé comme bibliothécaire il y une vingtaine d'années. Plus tard, il a été élu coordonnateur et est maintenant membre du Programme communautaire qui accompagne des enfants avec des besoins spéciaux, en milieu rural.
Marciano marche, chargé de livres, visitant les communautés ; ce sont des heures et des heures de marche sans pause, sur des pentes escarpées, pour enfin arriver à destination et prendre soin des enfants et de leurs familles.
Récemment, il a été malade, presque incapable de marcher. Et il a pourtant continué. Et il continue toujours.
On ne devrait jamais considérer quelqu’un de « martien » en raison de son l'engagement et de son abandon de soi, mais plutôt de « martiano ».

Les êtres de l'au-d'ici

Il y a quelques années, j'ai pris contact avec le Réseau des bibliothèques rurales afin de participer à une réunion sur le thème de l'éducation interculturelle. Le jour de la rencontre, quelle ne fut pas ma surprise de prendre connaissance – presque par hasard — que l’endroit où la réunion avait lieu était l’endroit où plusieurs histoires avaient été sauvegardées; des histoires qui m’ont accompagné pendant une période très importante de ma vie.
Il y a plusieurs années, mon grand-père m’avait donné un livre très intéressant appelé « Les êtres de l’au-d’ici » [Los seres del más acá] concernant des traditions de Cajamarca; une série de récits qui, avec mes frères, nous avaient transportés vers des endroits que nous ne connaissions pas, mais qui nous semblaient familiers. Des histoires comme celle de l’endroit où on ne peut que passer qu’après dix heures du soir, soit près du Tragadero de Molinopampa. C’est là que s’arrête le cours d’eau venant de Llanguat. On dit que c’est parce qu’il y a là une truie et ses dix petits qui bondissent de l’eau. Si quelqu’un passe par-là, par le Tragadero, il trouvera une porte qui, si on la traverse, permet d’accéder à trois chemins, l’un menant à Llanguat, l’autre à Callacate et le dernier, à Limón. C’est comme ça que la truie ne disparaîtra pas lors de la fin du monde.
Ou encore, l’histoire de la « petite tête » de cette femme qui s’est endormie en ayant soif et sans boire de l’eau. Le soir, sa tête s’est arrachée de son corps en quête d’eau… Ce conte est un classique pour nous. C’est pour ça que, religieusement, avec mes frères, nous allions nous coucher après avoir bu un verre d’eau, juste au cas où.

Il est génial de pouvoir se souvenir ces histoires qui, aujourd’hui (maintenant plus âgée), j’avais oublié, même si elles continuent à avoir une grande signification dans ma vie. Rencontrer de nouveau ces « êtres d’ici » nous connecte, d’une certaine manière, avec notre histoire et nous rappelle qui nous sommes, puisque parfois, avec le passage du temps et les nouvelles occupations que nous acquerrons avec l’âge, et le fait que nous avons grandi en ville, nous oublions que le plus important est de partager avec cette grande famille que nous conformons; cette famille qui n’est pas uniquement composée de personnes, mais aussi d’animaux, de la chacra[1], des semences, des oiseaux, de l’eau.
C’est presque par curiosité que je me suis rapproché de Bibliotecas, à ces expériences si intéressantes comme les moments partagés avec Don José Isabel, à partager ses savoirs, à apprendre de cette affection si particulière d’entrer en relation avec la terre, à comprendre que les montagnes ne sont pas seulement des amas de pierres, mais aussi des « pharmacies universelles », qu’elles servent aussi à donner des signaux. Et surtout, un rapprochement fortement marqué par cette volonté d’en apprendre toujours un peu plus.
Aujourd’hui, cette proximité m’a énormément servi dans le travail que je fais; travail qui résulte parfois difficile en raison des intérêts d’une poignée de personnes qui cherchent constamment à rompre l’unité des communautés en quête de leur propre bénéfice.
J’essaie de partager ces expériences et ces récits avec d’autres personnes qui sont parfois, confrontées à des situations difficiles, mais qui, lorsque qu’ils entendent parler des résultats de votre travail, celui des Bibliothèques rurales de Cajamarca, retrouvent l’espoir et la motivation nécessaires pour les maintenir constants et fermes dans leur lutte, l’envie de continuer à vivre dans l’Ayllu[2].
C’est pour cela que je vous remercie d’avoir créé un petit espace dans leur vie, pour pouvoir apprendre et partager. Merci pour vos enseignements et je vous félicite pour vos efforts à vouloir continuer le travail de préservation et de partage de la tradition orale cajamarquina[3].

Ofelia Vargas Cerna





[1] Note de la traductrice : le mot « chacra » vient du quechua et fait référence aux terres cultivées.
[2] Note de la traductrice : un Ayllu (mot d'origine quechua et aymara) est une communauté composée de plusieurs familles dont les membres considèrent qu'ils ont une origine commune (réelle ou fictive) qui travaille de façon collective dans un territoire de propriété commune.
[3] Note de la traductrice : le gentilé des habitants de Cajamarca est « cajamarquino » et « cajamarquina ». L’adjectif est le même mot.

jeudi 30 septembre 2010

Vidéo de notre Réseau

En avril de cette année, nous avons eu l’agréable visite de notre ami Pier Paolo Giarolo, documentariste italien, auquel l'Assemblée générale de notre Réseau avait approuvé la demande de faire une vidéo sur notre démarche.
Dans une lettre précédant son arrivée, il disait : « Je suis très intéressé de connaître la réalité des bibliothèques rurales et je voudrais faire un film qui raconterait son cheminement, le mouvement des livres et de ceux qui les lisent. Ce sera aussi une façon de montrer le Pérou d'aujourd'hui. »
En étant parmi nous, il a visité plusieurs des communautés de Cajamarca afin de connaître quelques-unes des bibliothèques rurales, amassant de l’information, partageant diverses conversations avec les familles de nos bibliothécaires, mais en avançant de manière particulièrement déterminée pour atteindre son but.
Pier Paolo nous a également dit : « Les mots que j'ai lus sur le blogue, au sujet des paysans et de leur mode de vie, de leur simplicité et leur richesse, des bénévoles et de leur décision, ils transmettent une grande force intérieure. »
À la fin du mois d'août, lors de l'Assemblée générale des bibliothèques rurales, nous avons tous pu voir et évaluer les progrès du premier documentaire sur lequel Pier Paolo était en train de travailler.
Ce premier jet est basé sur une entrevue avec notre collègue Alfredo Mires; nous avons apprécié tout particulièrement le professionnalisme et la dilection
de Pier Paolo.
Il est bon de souligner que de voir cette première étape a été très motivant pour l'Assemblée, car cela nous a permis de reconnaître que ces presque « Quarante ans avec des livres sur la Terre » font désormais partie d'une histoire que nous voulions raconter, partager et accompagner. Cette vidéo peut être visionnée à l'adresse suivante :
http://www.vimeo.com/15408601
Il existe également une version avec des sous-titres en italien et dans les prochains jours, une version sera aussi disponible sous-titrée en français.
Merci, Pier Paolo, de cet énorme effort.

Le plaisir du travail collectif

On appelle minka ou minga l’ancienne forme de travail communautaire, volontaire.
À la mi-septembre, quand nous sommes partis de la zone de Bambamarca, nous avons eu la chance de visiter la famille de notre coordonnateur général, Javier Lara Huamán. Ils étaient en train de construire une maison de ñun-ñun, tout en haut de la jalca1, en prévision du changement de saison et pour avoir toujours de l'herbe à donner à leurs vaches.
Quand je suis arrivé, ils étaient en train de déjeuner et quelle ne fut pas ma surprise de  les retrouver avec tous leurs parents et amis. Ils étaient en train de manger dans le champ, parce que la nouvelle maison était en pleine construction; ils cuisinaient aussi en plein air et les mingueros (les bénévoles de la collectivité qui participent à la minga) passaient la nuit sous un petit toit provisoire.
Après avoir terminé le déjeuner, tout le monde s'est remis au travail : certains mouillaient la terre pour faire de la boue pour le pisé2 (en espagnol, tapial), d'autres coupaient le foin ou plaçaient des pierres, tandis que les autres transportaient la terre humide pour le mettre dans le tapialera. Pendant que plusieurs tapaient la terre et arrangeaient les rebords de la boue, les femmes lavaient la vaisselle, réparaient leur cuisinière, puis venaient donner un coup de main comme elles le pouvaient.
Bien que le travail était dur, ça semblait être une vraie partie de plaisir.
Quelques jours auparavant, j’avais été dans la ville de Bambamarca, où je me suis réuni avec « Juanita » et les parents de cinq coordinateurs de notre programme communautaire. Nous avons parlé, nous nous sommes souvenus de comment était le temps des semences, du nettoyage et les coutumes. Il était clair que nous apprenions les uns des autres. Tout le monde contribuait au tout.
Doña Auristela savait quel remède donner aux plus jeunes quand ils avaient mal à l'estomac, doña Maria savait comment faire en sorte que les pommes de terre poussent mieux; doña Consuelo connaissait des exercices pour que les enfants marchent plus vite; et ensuite, nous avons partagé la cancha – le maïs – que doña Julia avait apportée.
Cela aussi ça la minga : une fête joyeuse. Une sagesse partagée, solidaire.
Et c'est comme ça que nous aimons travailler.
 
Rita Mocker, Programme communautaire du Réseau des bibliothèques rurales


1 Note du traducteur : Le mot jalca signifie [en construction]
2 Note du traducteur : Le pisé est un système de construction en terre crue dont l’usage est très répandu en Amérique latine.

mardi 28 septembre 2010

Continuer et grandir


lI y a quelque temps, nous avons reçu une lettre de notre cher ami Amparito Castañeda, de la province San Marcos, de Cajamarca. Bien qu'il ait été question d’une lettre plutôt personnelle, nous lui avons demandé la permission de partager celle-ci.

On dit que « la pauvreté est plus supportable si vous regardez quelque chose de vert. »

Depuis que je passe plus de temps avec les gens du pays, je prends davantage conscience des circonstances dans lesquelles ils vivent, que leur seule possibilité de travail est leur ferme et leurs animaux. Ils n’ont pas d’autres possibilités d'étudier qu’à l'école où ils doivent marcher pendant des heures, ou même courir, pour s’y rendre.
Les projets qui se développent sur ce territoire sont très spécifiques : ce qui compte pour les programmes d’aide, ce sont les photos et les signatures, que s’adopte une pratique d’ensemencement apparemment alternative, ou que les programmes correspondent aux travaux déjà menés, avec les activités et chronogrammes déjà établis. Et rien d'autre.
J’espère ne jamais tomber dans l'indifférence. Je suis convaincu que l'engagement doit être plus grand.
Un jour que je marchais, je me suis mis à penser que les jeunes ne quitteraient pas leur village s'ils pouvaient continuer leurs études dans leur propre communauté, et puis travailler là... Ce doit être pour cela que Alfredo a pensé en une université paysanne.
Le truc qui est troublant, c’est que les jeunes qui ont atteint un certain niveau académique, s’en vont ou ceux qui peuvent physiquement travailler sur les terres, migrent. Il ne reste plus que les personnes âgées et les écoliers. Qui va travailler dans les mingas (travail collectif) communautaires? Qui donnera une continuité à la culture en milieu rural? Qui valorise leur environnement en restant dans leur collectivité?

C’est pour cela que l’expérience des bibliothèques en milieu rural ne doit pas seulement se poursuivre, mais grandir. Votre travail est celui de fourmis et il n’est pas facile de trouver des bénévoles. Mais, c’est possible.
 
J’aimerais que vous veniez un jour à Huayanay et que vous parliez parler aux gens de la valeur de leur culture, de leur environnement et de l'importance de la lecture, d’avancer.

 
Peut-être pouvons-nous en intéresser d’autres à créer des bibliothèques rurales.
Mes bénédictions et une accolade à tout le monde.

Amparo

vendredi 17 septembre 2010

Nouvelle bibliothèque à Alimarca

Alimarca est une communauté qui appartient au district de José Sabogal, dans la province de San Marcos.
Le 15 juillet dernier, notre collègue Antonio Vilchez a inauguré, dans cette communauté, une nouvelle bibliothèque; lors de la réunion de la communauté, Don Antonio Gonzales Chuán fut nommé bibliothécaire rural.
Pour nous, chaque bibliothèque ainsi créée signifie beaucoup plus qu’apporter des livres: c’est une nouvelle occasion de poursuivre notre croissance en tant que famille et de renforcer nos liens avec la vie, avec la terre et avec notre culture.
Nous saluons les efforts et la bonne humeur de cette nouvelle bibliothèque, ceux de Don Antonio et de toute la famille bibliothécaire d’Alimarca.

L'échange de livres dans le Réseau

Quand on pense à une bibliothèque, nous avons l'habitude d’imaginer des étagères pleines de livres. Dans les bibliothèques rurales, nous savons que cela n’est pas la réalité sur le terrain. Nous visitons plusieurs bibliothèques où on ne trouve pas un seul livre... et encore moins des étagères! Le truc c’est que le Réseau de bibliothèques rurales fonctionne sur la base de l'échange – selon le système ancestral d’échange de semences et des produits agricoles. C’est en quelque sorte le cœur de notre mouvement et de nos activités. Les livres sont échangés entre les différentes communautés et avec notre siège social, à Cajamarca. Ainsi, un seul livre peut atteindre des milliers de mains et servir d’outil pour l'apprentissage de nombreux comuneros. À la fin du mois d'août, lors de notre Assemblée générale, nous avons eu de nouveau l'occasion d'échanger des livres. Les camarades de la campagne avaient apporté près de 1000 livres de leurs communautés. Pour recueillir une telle quantité, ils ont dû marcher pendant des heures, seuls, un sac en bandoulière.

Maintenant, le défi est encore plus grand : comme nous avions fait non seulement un échange, mais aussi un apport en livres ce qui signifie une augmentation de livres par bibliothèque —, ce sont près de 2000 livres qui ont dû être rapportés aux différentes bibliothèques de notre réseau.
Nous remercions nos coordinateurs pour leur précieux travail bénévole, pour leur engagement envers les collectivités et les lecteurs, pour leur solidarité envers leur population. Merci aussi à tous les bénévoles qui nous ont aidés avec le travail d’échange lors de notre Assemblée.
Merci encore.

jeudi 16 septembre 2010

Un coup de pédale solidaire !

Nous avons reçu cette lettre pleine d'encouragements de la part de notre ami Jack Porteous, d’Angleterre:

« Mon ami Mauricio et moi avons fait le trajet en vélo à destination de Liverpool et nous sommes retournés par Bristol : ce tour avait pour objectif d’appuyer le fonds bibliographique du Réseau de bibliothèques rurales.
Nous sommes partis le 7 juillet et nous sommes revenus le 18. Nous avons fait du vélo pendant environ 600 miles au total. Nous avons tous avec nous, sur nos vélos et nous avons campé sur la route.
Nous l'avons fait parce que nous pensions que nous allions profiter de ce tour, et qu’en même temps, ce pouvait être une manière de récolter un appui solidaire.
Je pense que le travail des bibliothèques en milieu rural est très important parce qu’il donne aux gens l'occasion d'apprendre à lire. La lecture est une compétence nécessaire pour apprendre et je crois que chacun devrait avoir cette possibilité.
Nous l’avons fait aussi au nom de ma tante Sara. Elle est décédée il y a quelques années des suites d’une longue maladie. C’était une bibliothécaire et c’est elle qui m’a donné – à moi et à toute ma famille – la valeur des livres.
Nous avons voulu partager cet amour pour les livres avec d'autres personnes qui n'ont pas la chance d’en avoir.
Nous vous envoyons ici quelques photos de nous durant notre voyage et une photo de la distance parcourue.
Nous vous embrassons, Jack et Mauricio, au nom de toutes les communautés et de toutes routes croisées. »