mardi 9 novembre 2010

« Je veux vous demander de lire »

Nous transcrivons ici les extraits du discours que le maître Ernesto Sábato – un écrivain, un essayiste, un physicien et un peintre argentin – a prononcé durant un évènement réalisé en mai 2004 :

Je veux demander aux jeunes, avec l'autorité que me donnent les années, de lire. Moi aussi, quand j’étais un jeune garçon, je lisais, et ce sont les livres qui m'ont aidé à comprendre et à vouloir une vie dans toute sa grandeur. Ce sont eux qui ont semé dans mon âme ce qu’ensuite les années ont pu amplifier. Comme j’ai déjà pu le dire à d'autres opportunités et je le réaffirme ici : la recherche d'une vie plus humaine doit commencer par l'éducation. Comme a pu le souligner Simone Weil, le devoir de la lecture est « de préparer pour la vie réelle, de former l'être humain pour que lui-même puisse entretisser, avec cet univers qui est son héritage, et avec ses frères dont la condition est identique à la sienne, des relations dignes de la grandeur humaine ».
Tant d’années ont passé, mais je conserve encore et toujours le souvenir de mon école de Rojas et de ce collège de mon adolescence où, comme vous, j'ai été conduit au seuil de la pensée et de l'imagination. Avec un mélange de rigueur et de tendresse, nos maîtres et professeurs nous ont appris à chercher la vérité, en même temps que se formaient dans nos esprits des valeurs essentielles. Avec les savoirs qui intègrent l'éducation élémentaire, ceux-ci nous ont transmis quelque chose de l’héroïque épopée de l'homme. Nous nous sentions souvent égarés devant ces événements, sans doute parce que les motifs dépassaient ce que nous pouvions comprendre. Ces récits, remplis de danger et passion, réussissaient à susciter notre étonnement, ce qui demeure la pierre angulaire du vrai enseignement. Durant cette période, les idées essentielles qui m'ont accompagné le long de la vie se sont forgées et les racines de tout celui qui je devais être se sont implantées.
Lire vous agrandira l'horizon de la vie. Lire vous donnera un regard plus ouvert sur les Hommes et sur le monde et vous aidera à repousser la réalité comme un fait irrévocable. Cette négation, cette révolte sacrée, est la crevasse que nous ouvrons sur l'opacité du monde. À travers elle on peut filtrer une nouveauté qui encourage notre engagement. Priver un enfant de son droit à l'éducation, c'est l'amputer de cette première communauté où les peuples mûrissent leurs utopies. »

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