jeudi 22 décembre 2011

« Sur la cupidité » - I

Lecture à partager : texte de l'essayiste Augustin Squella

Si l'avare est celui qui a et conserve, c'est-à-dire celui qui refuse de donner, le cupide est celui qui a et veut surtout avoir plus, c'est-à-dire celui qui ne peut résister à l'envie de remplir encore et encore son silo qui déborde déjà de richesses.

La cupidité est une contraction, tandis que la cupidité est un problème constant, non pas pour conserver ce qu'on possède, mais bien pour avoir de nouveau ce qu'on a déjà. Si l'avidité est triste, l'avidité est à peine anxieuse.

La personne avare ne veut pas soustraire, tandis que le tempérament avide ne cherche qu'à additionner. L'avare ferma le coffre, cache la clé et regarde les jours par la serrure pour surveiller que vérifier si tous ses biens sont là; à l'inverse, les avides ne pensent qu'à la façon de cultiver les voûtes de leur coffre-fort et cela les rendent nerveux de constater que leurs biens ne sont pas multipliés.

Si l'avare est un problème pour votre voisin, le cupide est un plus grand danger encore pour ses semblables. Le premier est seulement intéressé par ce qui lui appartient, mais le deuxième jette plutôt son attention sur ce qui appartient aux autres. Le premier a terriblement peur de voir diminuer ce qu'il a gagné, tandis que l'autre souffre d'angoisse de ne pas avoir gagné suffisamment. Le premier supporte mal l'idée qu'on le prive de quelque chose qu'il possède déjà, tandis que l'autre tolère encore plus mal l'idée qu'on puisse toujours avoir plus. La cupidité est donc vice passif, tandis que la cupidité exige une incessante imagination et activité.



"Quand tu bois de l'eau, rappelle-toi de la source"

Les yeux de Gabi

"Los ojos de Gabi", le témoignage que notre ami Alfredo Mires écrire à partir de la perspective de Gabi, une jeune fille de région rurale atteinte de paralysie cérébrale, a désormais deux éditions bilingues, une en espagnol et une en allemand. Il existe aussi une édition traduite en italien.
Les deux éditions ont eu une forte demande et que nous sommes heureux parce que cela permet à plus de gens de connaitre les conditions des enfants “handicapés” et de se ranger du côté des plus faibles.
Maintenant, les bonnes nouvelles: c'est que notre amie Maryse Tétreault, du Canada qui a fait la traduction française.
Nous espérons lancer cette version française au début de cette année; nous pensons aussi à publier une troisième édition en espagnol et en allemand.

Merci, Maryse! Cela fait plus de livres et de messages à lire, à partager, à réunir et applaudir!


La famille grandit

Les bibliothèques en milieu rural et les bénévoles du Programme communautaire sont toujours nécessaires. Nous sommes très peu ceux et celles qui assument des tâches administratives et d'organisation ici, à Cajamarca. De la même manière que pour notre travail de terrain, il manquera toujours des mains, de la volonté et des gens impliqués.

Grâce au travail du Programme communautaire, nous rencontrons constamment de nouveaux enfants avec des capacités projetables qui requièrent toute notre attention et soutien, et c'est là que nous sentons le plus la pression, le besoin de compter sur davantage de participants de cette minga* solidaire.

C'est pour cela que nous voulons saluer la volonté et l'enthousiasme avec lequel Elena Rodriguez Roncal, fille de notre ami Miguel Rodriguez de Cajabamba, professeure d'éducation primaire et représentante du Programme PELA a accepté de se joindre à notre projet.
Nous avions invité Elena à participer à un atelier de formation en novembre et par la suite elle a décidé de se joindre à notre équipe de coordinateurs du programme.
Nous sommes ravis d'avoir une nouvelle amie et partenaire pour échanger, partager et grandir ensemble. Bienvenue Elena!


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* Note de la traductrice: La minga est une forme de travail traditionnel et collectif réalisé par les membres de la communauté.

Agen-jour 2012

Dans la mesure où notre organisme est autonome financièrement, il  n'est pas toujours possible de publier tout ce qu'on voudrait.
Depuis un certain moment déjà, nous recevons plusieurs demandes pour un nouvel agenda pour l'année 2012, mais en raison de manque de fonds et de temps pour le préparer, nous n'avons pas été en mesure de répondre à cette demande. Toutefois, nous avons trouvé une alternative après avoir évalué la fonctionnalité d'un agenda.

Dans notre démarche, plusieurs pages sont restées vierges et bien que nous ayons  besoin d'un planificateur, il était aussi nécessaire d'avoir un carnet avec des pages blanches où écrire notre cheminement.
Ainsi est née l'idée d'un  « Agen-jour » pour accompagner l'année qui approche; celui-ci sera en circulation à partir du 15 décembre.

Nous avons dû nous rappeler ce que Facundo Cabral racontait de sa mère, Sara, qui « n'avait jamais utilisé d'agenda parce qu'elle faisant seulement ce qu'elle aimait et cela, son cœur s'en rappelait. Elle s'est consacrée à vivre et elle n'avait pas le temps de faire autre chose."

Mais d'autres leçons nous encouragent également: la créativité n'a pas de sommeil pendant que nous rêvons.
Et de cette façon, il est bon de constater qu'il est possible de continuer à publier si s'unissent les efforts dans la solidarité.


jeudi 1 décembre 2011

La dignité des peuples s'écrit aussi en lisant


Une lecture à partager : extrait de « La dignité des peuples s'écrit aussi en lisant », texte d'Alfredo Mires.

La promotion de la lecture définit, dans une large mesure, le côté de l'histoire dans laquelle nous nous trouvons. On ne peut pas être neutre, car la lecture, elle, ne l'est pas. Ignorer ce fait, c'est prendre position du côté de ceux qui essaient de cacher cette réalité pour éviter qu'elle ne puisse être transformée.

Promouvoir la lecture c'est adhérer aux réalités et aux attentes des populations. Plus encore, la motivation de lecture doit être un reflet de la capacité de décision, des tentatives d'appropriation et des recherches authentiques naissantes des communautés elles-mêmes, de celles qui acceptent la lecture comme un outil pour continuer à apprendre à partir de leur propre contexte.

Il ne faut pas non plus apprendre à lire pour lire, mais dans la poursuite de cet engrais qui accroît la compréhension de la culture elle-même, dans le tallage d'une fronde à partir de ses racines.


Parce que la lecture n'est pas l'évitement, il s'agit plutôt d'une immersion et un risque; elle est la libération et l'impulsion. La lecture signifie repousser la paresse et exercer le droit à un humour partagé; elle signifie la récompense méritée et l'accès à une vie qui ne soit pas synonyme de malheur.


Ainsi, si la lecture rime avec récolter, promouvoir la lecture rime avec semer. Semer le désir de trouver le livre et la liberté de le lire; semer le désir de le dévorer et l'urgence de le partager; semer la fureur de le découvrir et l'éblouissement à le comprendre. Lire, c'est aussi semer l'évidence que la lecture préalable du monde n'a pas été en vain.


Parce qu'il ne s'agit pas seulement de semer une lecture « livresque », mais une lecture totale, flamboyante et pleine. Ne lisons pas pour renoncer à notre monde, mais faisons-le pour le re-semer, le réécrire.



Lire dans la réalité


Lecture à partager: Extraits de "La lettre du chef indien Seattle"

Nous faisons partie de la Terre et elle aussi fait partie de nous.
Et, après tout, je me demande : à quoi sert la vie, si l'homme ne peut pas entendre le magnifique cri solitaire de l'oiseau de nuit, ni les discussions des grenouilles sur le bord des lacs en après-midi?
Je suis un indien et je ne comprends rien.
Nous, nous préférons le doux murmure du vent à cheval sur la surface des lacs, et l'odeur de ce même vent lavé par la pluie ou parfumé par la fragrance des arbres.
Parce que tout est lié.
Toutes choses sont reliées. Tout ce qui blesse la Terre blesse aussi les enfants de la Terre.
Tout ce qui arrivera à la Terre arrivera aussi aux enfants de la Terre.
Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes.
Cela, nous le savons : la terre n'appartient pas à l'Homme; l'Homme appartient à la terre.
L'Homme n'a pas tissé la trame de la vie; il n'est qu'une fibre de celle-ci. Ce que vous faites avec la trame, vous vous le faites à vous-mêmes.



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Note de la traductrice:
Seattle, grand chef indien des tribus Dumawish et Suquamish, est connu en particulier pour son discours de 1854 lors de négociations avec le gouvernement des États-Unis, dans lequel il exprimait son refus de vendre les territoires indiens.

Nous disons non


Lecture à partager : extraits de « Nous, nous disons non », texte d'Eduardo Galeano.

Nous disons non à l'éloge de l'argent et de la mort. Nous disons non à un système qui met un prix sur les choses et sur les gens, où ceux qui ont le plus sont ceux qui valent le plus; nous disons non à un monde qui investit en armes de guerre, deux millions de dollars chaque minute, tandis que chaque minute, trente enfants meurent de famine ou de maladie curable. La bombe à neutrons qui sauve les choses et qui tue des gens est un parfait symbole de notre époque. Pour le système meurtrier qui convertit en objectifs militaires les étoiles de la nuit, la planète tout entière n'est qu'une source de revenus qui doit produire jusqu'à la dernière goutte de son jus.

La pauvreté se multiplie pour multiplier la richesse, comme se multiplient aussi les armes qui veillent sur cette richesse et qui maintiennent tous les autres dans la pauvreté : nous disons non à un système qui ne donne ni à manger ni à aimer, qui condamnent plusieurs à la faim de nourriture et encore plus, à une famine d'étreintes.

Nous disons non au mensonge. La culture dominante, que les grands médias de communication élèvent à l'échelle universelle, nous emmène à confondre le monde avec un supermarché ou une piste de course, où le prochain n'est qu'un concurrent, mais jamais un frère.

D'après ce qu'elle dit et ce qu'elle tait, la culture dominante ment quand elle soutient que la pauvreté des pauvres n'explique pas la richesse des riches; elle ment quand elle dit que cette richesse n'est fille de personne, qu'elle provient de l'oreille d'une chèvre ou de la volonté de Dieu, qui a fait des pauvres des paresseux et des sots.

Le mépris trahit l'histoire et mutile le monde. Les puissants faiseurs d'opinions nous traitent comme si nous n'existions pas ou comme si nous étions des ombres stupides. L'héritage colonial oblige au soi-disant Tiers-monde, habité par des gens de troisième catégorie, à accepter comme la leur la mémoire des vainqueurs et à acheter les mensonges des autres pour l'utiliser comme si c'était la Vérité elle-même. Ils récompensent notre obéissance, punissent l'intelligence et découragent l'énergie créatrice. Nous sommes victimes d'opinions, mais nous ne pouvons pas être les experts. Nous avons droit qu'à l'écho et non à la voix.

Nous disons non : nous refusons d'accepter cette médiocrité en tant que destinée. Nous disons non à la peur. Non à la peur de dire, la peur de faire, la peur d'être. Le colonialisme visible interdit de dire, interdit de faire, interdit d'être. Le colonialisme invisible, plus efficace encore, nous convainc de ce qu'on ne peut pas dire, de ce qu'on ne peut pas faire, de ce qu'on ne peut pas être. Au mieux, nous pouvons aspirer à devenir prisonniers de bonne conduite, capables de payer ponctuellement les intérêts d'une énorme dette extérieure contractée pour financer le luxe que nous humilie et le bâton pour nous battre.

Et dans cet ordre des choses, nous disons non à la neutralité de la parole humaine. Nous disons non à ceux qui nous ont invités à nous laver les mains avant les crucifixions quotidiennes qui se produisent autour de nous.


Nous disons non au divorce de beauté et de la justice, parce que nous disons oui à son étreinte puissante et féconde.


Nous disons non à l'empire de l'avidité dévastatrice, nous disons oui à une autre Amérique, qui naîtra de la plus ancienne des traditions américaines : la tradition communautaire.


samedi 26 novembre 2011

Le berceau du réseau des bibliothèques rurales

Il y a quelque temps, Madame Carmen Checa nous a envoyé cet article que nous partageons aujourd'hui avec vous:

En 1971, le district de Bambamarca comptait 45 502 habitants, dont 38 961 vivaient à la campagne. Le sacerdoce anglais John Medcalf (aujourd'hui décédé) se demandait dans ces années comment rendre accessible le matériel de lecture aux masses ouvrières et paysannes? Comment s'assurer que ce matériel n’est pas aliénant ou une simple échappatoire pour les lecteurs?

Ils expérimentèrent différents types de bibliothèques et décidèrent de créer une chaîne de bibliothèques rurales qui aurait son siège à Bambamarca et dont les points de service seraient les maisons des agriculteurs eux-mêmes.

Aux dires du Père Medcalf, les paysans de Cajamarca, contrairement à d'autres régions des montagnes péruviennes (sierra), vivent et travaillent dans l'isolement et même s'ils n'affrontent pas de problème de langue, puisque presque tout le monde parle espagnol, nous devons composer avec un manque d'organisation.

Les deux innovations les plus marquées des bibliothèques rurales créées par John Medcalf et son équipe furent le système de rotation et la possibilité pour les agriculteurs d'apporter les livres chez eux.

Même pour les bibliothécaires, ce fut un peu étrange que dans ce type de bibliothèque il n'y eût pas de local, puisque la maison du paysan responsable était et continuerait d'être un type de « bibliothèque à la maison".

Pas plus qu'il n'a existé ni avant ni aujourd'hui aucune rémunération. Le bibliothécaire paysan va à la Centrale des bibliothèques, retire le lot des livres que lui-même choisit, les apporte jusque sur sa terre -- parfois, à proximité de la centrale et d'autres fois, plus loin --. Après deux ou trois mois, il revient et les retourne, changeant le lot pour un autre.

Même si ce réseau de bibliothèques rurales s'est initié à Bambamarca, après un certain temps la Centrale s'est déplacée vers la ville de Cajamarca, occupant initialement une pièce dans le complexe
Belén, pour enfin avoir son propre siège. À partir de là, le réseau s'est étendu à tout le département de Cajamarca et le modèle a donné naissance, en 1981, au Réseau de bibliothèques rurales de Tambogrande, dans le département de Piura (au nord du Pérou).

Nous devons souligner que ce service, lancé en 1971, se maintient jusqu'à aujourd'hui avec la même mécanique, avec les mêmes objectifs, qui sont le développement spirituel et intellectuel des communautés rurales de Cajamarca. Il s'agit d'un modèle de bibliothèque publique dans laquelle non seulement lisent les enfants et adolescents, mais aussi -- et surtout -- les adultes.

De mon point de vue de bibliothécaire de bibliothèques publiques, je ne peux pas comprendre qu'après tant d'années d'échecs et de déceptions, tant de questions et de comparaisons avec les pays développés, mais aussi entre les pays latino-américains frères, il ne soit pas passé par la tête des éducateurs du système d'éducation publique du Pérou que la perte de l'habitude de la lecture pourrait bien être l'une des racines du mal qui nous afflige si fortement.

Les bibliothèques publiques dans les provinces, districts et villages distants sont des lieux d'intégration où non seulement il s'acquiert des connaissances, mais il s'agit aussi d'un espace dédié au développement de l'esprit. C'est à cet endroit que se rencontrent tous les gens et dans le plus grand respect, ils prennent contact avec les emblèmes de la civilisation et la culture. Ils fraternisent avec les gens et les idées. Il s'agit du club social des pauvres. Et ce lieu améliore la qualité de vie des citoyens adultes comme celle des enfants, car tous sentent qu'ils peuvent y développer leur pensée.

Face au déplorable état de l'enseignement scolaire, ne pensons même pas à l'éducation extrascolaire. Si c'est à Bambamarca que l'habitude de lire a commencé et continue toujours chez les agriculteurs, pourquoi ne pas regarder vers le Réseau des bibliothèques rurales de Cajamarca, qui a son siège dans la capitale et que dirige Alfredo Mires?


Carmen Checa



L'art comme outil


Lors de la dernière session de formation du programme communautaire, Milagros Davila de l'ONG Aynimundo de Lima, a souligné l'importance de l'art dans le travail avec les personnes handicapées.

De retour à Lima, elle nous a envoyé son point de vue que nous voulons partager quelques-unes:

En mon nom et en celui de Marie, Jean-Paul et de toute l'équipe d'Aynimundo nous vous remercions infiniment pour cet heureux échange d'expériences, d'apprentissages et d'amitié. Il fut enrichissant de connaître l'enthousiasme, la sensibilité et la volonté d'apprendre des promoteurs communautaires que nous percevons comme des personnes engagées dans leur travail.

J'ai beaucoup aimé la prédisposition des coordonnateurs pour l'art comme un outil de connaissance et de développement personnel. Les messages partagés par les promoteurs dans leurs dessins et peintures m'ont touché très profondément.

Merci pour cette formidable opportunité!
Le plaisir fut pour nous.


Politikos et idiotikos

À la fin du mois de juin de cette année, notre ami Alfredo Ortiz Mires a donné une conférence intitulée « Éduquer le scorpion » dans le cadre du I Congrès international et du IX Congrès national d'éducation interculturelle bilingue "José María Arguedas"», à Cajamarca. Voici un extrait, tout à fait pertinent à la lumière des développements récents dans la région :

« Dans la Grèce antique, une nette distinction s'établissait d'emblée entre politikos et idiotikos.
Les politiciens, littéralement, optaient pour la ville, compris à l'époque comme le collectif, les petits villages souverains appelés polis. C'était là les gens concernés par les affaires des États et ce fut de là, précisément, qu'émergèrent le concept et la pratique de la démocratie en tant que doctrine politique dans lequel le peuple participait au gouvernement.

C'est pour cette raison, que celui qui aspirait à une charge publique devait être libre de poussière et de paille et être innocent ou naïf (candide) : de là nous provient le mot “candid-at”... (sans commentaire).

Et c'est pourquoi aujourd'hui, dans le Dictionnaire de la langue française, le mot politique signifie -- en premier lieu-- courtoisie, puis “L'art avec lequel on conduit une affaire”. Opinion ou intervention dans les affaires de l'État ou de la chose publique. »

Les idiotikos, cependant, étaient ceux qui s'occupaient seulement de leurs intérêts privés. Le mot idio signifie « particulier ». Les idiotikos, alors, n'étaient pas intéressés par le bien-être des autres.

Sans entrer dans les détails sur la manière dont se sont transformé les significations ni discuter de l'incroyable coïncidence de l'histoire grecque avec certains contextes nationaux, mais il est important de comprendre que la principale préoccupation de  la politique publique est l'engagement envers le collectif qui la rend possible.

Déjà au XVIe siècle, Thomas More -- qui fut décapité pour avoir dit ce qu'il pensait pour ensuite être converti en saint -- mentionne dans un de ses écrits : «... là où il y a la propriété privée et où tout est mesuré par l'argent, il est difficile de penser que les affaires publiques seront gérées de manière équitable et qu'on y vivra dans la prospérité. »


mardi 30 août 2011

Éduquer le scorpion


À la fin du mois de juin et le commencement du mois de juillet, avait lieu le premier Congrès international à Cajamarca et la  IXe Rencontre nationale d'éducation interculturelle bilingue « José Marie Arguedas ». Notre ami Alfredo Mires fut invité à offrir une conférence lors de ces événements.

Voici ici le texte d'ouverture d'Alfredo, sous le titre de « Éduquer le scorpion : inter-culturalité, cosmovivencia et éducation communautaire ».

Il existe un vieux conte d'origine africaine qui raconte la rencontre entre une grenouille et un scorpion. Celui-ci raconte qu'un scorpion avait besoin de traverser une rivière et ne savait pas comment faire, parce qu'il avait très peur de se noyer, quand il aperçut une grenouille et lui demanda :

— Porte-moi sur ton dos.

— Que je te porte sur mon dos? — répondit la grenouille — absolument pas, je te connais : si je te porte sur mon dos, tu vas me piquer avec ton dard et me tuer!

— S'il te plaît petite grenouille! — insista le scorpion, en se faisant très aimable — J'ai vraiment besoin de traverser la rivière.

— Non — dis la grenouille — avec toi, je préfère prendre mes distances. 

— Comment peux-tu avoir si peu de logique? — réclama le scorpion — Ne te rends-tu pas compte que si je te pique, tu couleras et moi de même? Puisque je ne sais pas nager, je me noierai avec toi.

Ils continuèrent à discuter pendant un long moment jusqu'à ce que le scorpion finisse par gagner. 
La grenouille, convaincue, fit montrer le scorpion sur son dos au scorpion et ils entreprirent la traversée.
Quand ils arrivèrent au milieu de la grande rivière, tout à coup, le scorpion leva la queue et cloua son dard dans le dos de la grenouille. La grenouille sentit que le poison mortel se répandre dans tout son corps et, tandis qu'elle commençait à couler avec le scorpion sur son dos, elle arriva à crier : 
— Mais qu'est-ce que tu as fait? Je ne comprends pas, j'ai eu confiance en toi. Comment as-tu pu me faire cela? 
— Je n'ai pas pu l'éviter — répondit le scorpion avant de disparaître dans les eaux — C'est dans ma nature.


Quand on m'a demandé d'aborder le sujet de la spiritualité et de la cosmovision  dans un séminaire sur l’éducation communautaire, je me suis souvenu de ce conte et je me suis demandé : quelle est la nature de l'éducation dans laquelle nous nous sommes formés et avec laquelle nous continuons de former et d'être formés? Quel genre d'humains décide de l'éducation qui nous est dispensée? S'agit-il de diplômés de cohortes issues de centres éducatifs solidaires, critiques, respectueux, bibliophiles et honorables? Ou sommes-nous formés par des générations indolentes, irrespectueuses, consommatrices, « ludo-pathes » et inaliénables?

C'est-à-dire, de quelle nature venons-nous et de nature est le futur que nous sommes en train de former? Quel dos sommes-nous en train d'empoisonner après avoir essayé de traverser cette rivière? Quel modèle nous donne la règle et quelle est la proportion entre l'obésité technologique et la malnutrition éthique?

mardi 24 mai 2011

Au revoir et bienvenue


Agustín de Hipona avait l'habitude de dire : « Donne ce que tu as pour que tu mérites de recevoir ce qui te manque ». Lisa Meixner a fini son étape de bénévolat avec notre organisation et nous voulons remercier sa présence parmi nous, pour nous avoir accompagner dans nos travaux, pour son affection, pour jouer avec les enfants, pour sa solidarité, pour les conversations soutenues, pour avoir chanté avec nous et pour avoir donner du sien au travail; pour les voyages partagés et sa criticité, pour les rires et pour beaucoup plus.
Nous t'attendons l'année prochaine.



Durant deux mois, j'ai eu la possibilité de me faire une idée du travail du Réseau des bibliothèques rurales de Cajamarca. En deux mois, j'ai eu la possibilité de connaître le pays et les gens, les villages avec ses différentes traditions. Et dans ces deux mois, j'ai aussi eu la possibilité de me lier avec ce pays.
Je veux remercier tous les intégrants des bibliothèques rurales et du Programme communautaire pour leur amabilité, leur esprit et leur patience. Merci à tous de m'avoir appris et de m'avoir donné ces possibilités!
Je n’oublierai jamais ces moments, cette expérience, cette terre et ce village.
Je me réjouis déjà à l'idée de revenir l'année prochaine. Merci beaucoup à toute la communauté du Réseau des bibliothèques rurales!

Lisa Meixner

Une exposition et une cérémonie de reconnaissance

La Municipalité provinciale de Cajamarca, à l'initiative de bureau du Tourisme, de l'Éducation et de la Culture, a programmé une cérémonie de reconnaissance pour notre Réseau de bibliothèques rurales pour son 40ème anniversaire.
Le 27 mai, à 10 heures, l'exposition photographique « Terre qui raconte, terre qui lit » sera inaugurée. À 19 h 30, la cérémonie d'hommage et de reconnaissance aura lieu.
Les deux événements seront réalisés dans le Salon consistorial de la Municipalité, Jr. Cruz de Piedra Nº 613.

lundi 16 mai 2011

Des patates!

L'année passée, lors de la foire agricole, les résidents de Cutervo ont réussi à identifier presque 2 000 variétés de pommes de terre cultivées sur leur territoire.

Cela non seulement confirme la biodiversité extraordinaire existante dans notre pays – ce qui peut sonner comme un concept simple –, mais affirme aussi la capacité de la population paysanne à créer des savoirs.

Mais il est encore plus difficile de persister, surtout si le travail peu rentable qu’est l'agriculture n'est ni encouragé comme il devrait l’être, sous toutes ses facettes, ni respecté dans ses critères les plus élémentaires.

En route vers Cutervo, nous avons pu partager les festivités qu’entraîne la récolte des pommes de terre… bien que quelques fois, cela entraîne une situation des plus tristes. Avec des prix complètement déprotégés, un kilo de pommes de terre atteint à peine les 20 centimes de soles1. Puis, de moins en moins… jusqu'à ce qu'il ne soit même plus rentable, en faire la récolte. L'investissement des semailles n'arrive pas à être compensé par les ventes et les ventes n’arrivent pas à payer les travaux de récolte. Et voilà qu’il faut parfois laisser les patates sous terre...

 

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1. Note de la traductrice : Le Nuevo Sol est la monnaie nationale du Pérou. Un sol équivaut environ à 36 centimes de dollar américain (0,36), donc 20 centimes de soles (0,20) équivaut à 7 dixièmes de centime de dollar américain (0,07 $). Taux en date du 17 mai 2011.


Des bibliothèques à Sinchimache!

La zone de Sinchimache se trouve à l'ouest de Cutervo. Le mois passé, dans la communauté de Pajurillo, nous avons tenu l'assemblée générale bimestrielle des Rondas campesinas1.
Onze communautés avaient sollicité l'installation de bibliothèques rurales. Avec la présence de notre conseiller exécutif et de Javier Chilcón, coordinateur du secteur, accompagnés du vice-président des Rondas campesinas de Cutervo, le coup d’envoi a été donné aux travaux pour l’installation de bibliothèques rurales dans ces communautés.
En raison des conditions des routes et du poids de toutes les caisses de livres, les coorganisateurs responsables des bibliothèques, choisis par ces communautés, ont dû se rendre au caserío de La Laguna pour expédier le matériel aux bibliothèques respectives.
Nous avons pu compter sur l'appui du professeur Juan José Díaz Coronado, directeur de l'Unité de gestion éducative locale de Cutervo qui – connaissant déjà la valeur du travail du Réseau – nous a soutenus dans le déplacement de l'équipement jusqu'à cette zone distante.
Il fut aussi encourageant de voir l'enthousiasme, l’effort et la fierté des nouveaux bibliothécaires, marchant sans repos pour accéder au lieu où les livres étaient et revenir chargés de ceux-ci jusqu'à leurs communautés, dont certaines se trouvaient à une distance de plus de cinq heures de marche dans la cordillère.

Lisa Meixner

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1 Note de la traductrice: Les Rondas Campesinas (les Rondes paysannes) est le surnom donné aux organisations communales de défense surgies de manière autonome dans les régions rurales du Pérou dans les années 1970.


De la visite de Puno

Au milieu du mois de mars de cette année, nous avons reçu une aimable lettre du professeur Gervasio Juan Vilca Vilca, maire du district de Santa Lucía, dans la province de Lampa, département de Puno.
Dans ce courrier, celui-ci nous manifestait son intérêt de propager l’expérience des bibliothèques dans tous les caseríos de sa juridiction et demandait de l’information sur les possibilités que nous les accompagnions dans ce processus.
Dans un cas comme celui-ci, nous croyons qu’il est meilleur connaître le terrain avant de proposer une formule, car un modèle ne doit pas être reproduit sans considérer les spécificités de chaque contexte.

Ainsi, nous avons reçu la visite de la professeure Irene Fernández, conseillère municipale aussi de Santa Lucía, qui a participé à quelques jours de réunions intenses avec le Comité central du Réseau et a visité quelques communautés pour observer notre travail.

Ces liens créés nous encouragent et nous apprécions réellement l'enthousiasme des autorités qui sont à la fois des leaders au service de ses communautés.

mardi 10 mai 2011

Arguedas à Cutervo


Durant la troisième semaine d'avril, notre compagnon Alfredo Mires Ortiz, conseiller du Réseau, a visité des bibliothèques rurales dans la province de Cutervo. Afin de profiter de ce séjour, l'Unité de gestion éducative locale l'a invité à donner une conférence sur José Marie Arguedas1.
Avec la présence de presque cent personnes, il a été agréable de voir la participation nombreuse de jeunes, en plus des professeurs et du public en général.
Alfredo a souligné dans son exposition la vigueur de la pensée d'Arguedas, en dénotant l'applicabilité de ses considérations pédagogiques et anthropologiques.
Après l'exposition, un forum de discussion a eu lieu et il a démontré le vif intérêt des participants pour ce sujet.

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1. Note de la traductrice : José Marie Arguedas (1911-1969) est un écrivain et anthropologue péruvien promoteur du métissage des cultures au Pérou.